mercredi 6 février 2013

Sept ans déjà au document d’entente signé entre Michel Aoun et Hassan Nasrallah (Art.110)


Il était une fois, à la surprise générale, deux hommes libanais contractaient une sorte de PACS, pour reprendre le sigle de cette disposition juridique du droit français, un PActe Civil de Solidarité, qui permet à deux personnes de bénéficier des droits qui découlent du mariage, même « contre-nature », sans avoir à assumer la lourdeur d’un mariage proprement dit. Bague et blague à part, en ce 7e anniversaire de la signature du « Document d’Entente Mutuelle entre le Hezbollah et le Courant patriotique libre » à l’église Mar-Mikhael, par sayed Hassan Nasrallah et le général Michel Aoun, le 6 février 2006, j’ai voulu par curiosité relire la partie consacrée à l’armement de la milice du Hezbollah.

Voilà ce que prévoit précisément le document : « La protection du Liban et la consolidation de son indépendance et de sa souveraineté sont une responsabilité et un devoir nationaux... C’est pourquoi le port des armes n’est pas un objectif en soi, mais un moyen noble et sacré utilisé par un groupe dont le territoire est occupé, au même titre que la résistance politique. Dans ce contexte, les armes du Hezbollah s’inscrivent dans une approche exhaustive ainsi délimitée : Premièrement, le maintien des armes du Hezbollah doit se baser sur des justifications qui font l’unanimité nationale et qui constituent une source de force pour le Liban et les Libanais, et deuxièmement, définir les circonstances objectives qui aboutiraient à la suppression des raisons et des justifications de leur existence. »

Eurêka ! On cherche, on cherche et on cherche, comment en finir avec l’armement illégal de la milice du Hezbollah et pourtant la solution est là, sous notre nez. Il est clairement stipulé dans le document du 6 février 2006 que « le maintien des armes du Hezbollah doit se baser sur des justifications qui font l’unanimité nationale » ! Etant donné l’absence totale d’unanimité nationale autour de cet armement, il n'est alors tout simplement plus possible pour la milice du Hezbollah de maintenir son arsenal illégal en vertu du document d’entente signé par Michel Aoun et Hassan Nasrallah themselves ! J'en reviens pas, qui l'eût cru ! Quitte à être dans l'absurde, soyons-en jusqu'au bout.

Enfin, soyons plus sérieux que les pacsés. La « voie de la réconciliation » a été réellement ouverte aux Libanais le 14 mars 2005, quand le peuple du Liban tout entier, toutes communautés confondues, avec tous les partis politiques existants, Courant du Futur, Forces libanaises, Kataeb, Courant Patriotique Libre compris, à l’exclusion du Hezbollah & Co (qui eux avaient manifesté le 8 mars 2005, et rappelons-le, pour dire « Merci à la Syrie », la Syrie de la tyrannie des Assad !), sont descendus place des Martyrs réclamer deux choses : le retrait des forces syriennes d’occupation et que justice soit faite après l’assassinat odieux de notre ancien Premier ministre, Rafic Hariri.

Au lieu que la milice du Hezbollah saisisse l'opportunité et entame une procédure de réconciliation nationale à partir de cet événement historique qui rassembla un million de personnes, elle a décidé de continuer à faire cavalier seul comme si de rien n’était ! Il faut bien croire, qu’elle avait sans doute ses raisons ! Les assassinats politiques se sont enchainés. Samir Kassir, Georges Haoui et Gebran Tuéni. Après la mort de ce dernier, le Premier ministre Fouad Siniora et le Conseil des  ministres, connaissant la politisation de notre corps judiciaire (confirmée encore une fois il y a quelques jours, par la demande grotesque de levée de l’immunité parlementaire du député Boutros Harb qui ose reprocher au procureur sa lenteur dans l’enquête concernant sa tentative d’assassinat ; eh oui, le monde à l’envers !), décident de recourir à l’aide des Nations-Unies pour parvenir à cette justice, à travers le Tribunal Spécial pour le Liban. Aussitôt, les ministres chiites du Hezbollah (Hassan Nasrallah) et d’Amal (Nabih Berri), manifestent leur désapprobation et se retirent du gouvernement libanais, pour dénoncer l’internationalisation de l’assassinat de Rafic Hariri. Le Hezbollah n’a jamais été aussi isolé à cause de ces erreurs stratégiques à répétition. Eh hop, 2 mois plus tard, Michel Aoun offre une magnifique porte de sortie à la milice chiite pour briser son isolement. Ce fut une erreur monumentale car en ce début d’année 2006, la milice chiite était acculée dans ces derniers retranchements. A cet instant précise de l’histoire, il y avait une chance réelle d’obtenir son désarmement. En vain.

La suite est encore pire. Une seconde chance est offerte au Hezbollah. Une table de dialogue réunissant les leaders libanais se met rapidement en place au printemps 2006, avec la participation des nouveaux pacsés pour définir une « stratégie de défense » à notre pays. Le peuple libanais croyait naïvement que les choses allaient se décanter et qu'il aurait enfin droit au premier été prospère depuis le déclenchement de la guerre civile le 13 avril 1975 et sans l'occupant syrien. Quelques semaines plus tard, le rêve fut brisé ! Le 12 juillet 2006, la milice du Hezbollah décide sans consulter ni le président de la République, commandant en chef des forces armées, ni le commandant de l’armée libanaise, ni le Premier ministre, ni le Conseil des ministres, ni le ministre de la Défense, ni le président du Parlement, ni les députés de la Nation, ni le peuple libanais, ni même son allié le général Michel Aoun, de mener une opération militaire en territoire israélien, pour, tenez-vous bien, libérer trois prisonniers, dont le fameux Samir Kantar, un libanais de confession druze ayant mené une opération en Israël en 1979, commanditée par les milices palestiniennes présentes au Liban, au cours de laquelle il a tué une fillette israélienne de 4 ans avec la crosse de son fusil ! Tout le monde connait la suite, un affrontement entre la milice chiite et l’Etat hébreux. Le Hezbollah n’a rien pu faire pour empêcher Tsahal de s’acharner sur le Liban pendant 33 jours. Cette mésaventure a coûté au Liban près de 50% de son PIB, contre seulement 3% du PIB aux Israéliens, 1200 morts, 5000 blessés, destruction massive, malheur et dévastation partout au Liban, notamment dans le Sud et à Beyrouth.

Et dans les suites
, il y a l’occupation par les pacsés du centre-ville de Beyrouth pendant un an et demi (déc. 2006-mai 2008) avec en parallèle la fermeture du Parlement; l’invasion de Beyrouth et du Mont-Liban par le Hezbollah le 7 mai 2008, une journée baptisée par Nassan Nasrallah comme étant « un jour glorieux des Jours de la Résistance »; le coup d’Etat démocratico-milicien des pacsés le 12 janvier 2011 avec l'aide de Nabih Berri, Nagib Mikati et Walid Joumblatt; l'accusation par le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL), la plus haute juridiction internationale, de quatre membres de la milice du Hezbollah de l'assassinat de Rafic Hariri, l'ancien Premier ministre du Liban en juin 2011; l’envoie du drone Ayoub au-dessus du territoire israélien en octobre 2012; et cetera, etcétéra, etc., j’en passe et des meilleures. Et encore une fois, comme à chaque fois, au lieu que le Hezbollah soit isolée et acculée à rendre ses armes à l’Etat libanais, ce document d’entente, signé par le général Michel Aoun, brise l’isolement de la milice chiite, ce qui permet à cette dernière de garder son arsenal en toute illégalité ad vitam aeternam. Il semble que le PACS entre les deux hommes tient bon, aussi bon qu’un mariage. A la vie, comme à la mort, pour le meilleur et pour le pire. Hélas, mille fois hélas !