mardi 25 juin 2013

Après les succès de « Cheikh Assir fait du vélo », « Cheikh Assir fait du ski » et « Cheikh Assir fait des embouteillages », voici donc « Cheikh Assir va-t-en guerre » (Art.159)


Ces quatre épisodes, en moins de deux ans, résument bien la courte vie médiatique de la graine de star de Saïda, cheikh Ahmad el-Assir. Ils donnent même une idée assez précise de la descente en enfer de cet homme, qui est passé en peu de temps, du chouchou des médias à un hors-la-loi.

Le phénomène Assir est apparu, disons grosso modo, il y a à peu près deux ans. Dans «Cheikh Assir fait du vélo », les Libanais découvrent alors un homme qui se présente jovial, souriant, sympathique, moderne, fan de smartphones, décontracté, faisant du vélo, jouant au foot, organisant des séances collectives de coupe de cheveux (si, si!), bref, tout pour faire oublier que l’habit faisait le moine, même chez un salafiste. Et pourtant, il fallait y voir dès le départ, une raison suffisante pour s’en méfier comme de la peste. En tout cas, c’était pour le décor.

Sur le fond, le religieux sunnite n’a pas hésité à hausser le ton face au Hezbollah, ce qui a séduit, hélas, mille fois hélas, plus d’un opposant à la milice chiite. Depuis sa naissance médiatique, le cheikh Assir a menacé de s’opposer par les armes au Hezbollah. Il faut dire que taper sur la corde communautaire, permet de trouver des mélomanes de la discorde sunnite-chiite. Mais, personne ne voulait le prendre au sérieux. Quand je l’ai mis dans le même panier que le religieux chiite, chef de la milice du Hezbollah, moi aussi, on ne m’a pas pris au sérieux. Pour se faire une place au soleil, l’homme a mis à son profit deux éléments :
1. Le coup de force de la milice chiite de Hassan Nasrallah
, qui a, bélaylé wou dou7aha,
renverser le gouvernement de Saad Hariri, utilisant sa puissance milicienne pour concocter avec Nabih Berri, Michel Aoun, Najib Mikati et Walid Joumblatt, un franc « coup d’Etat » et pousser même le Premier ministre "sunnite" à l’exil, pour des raisons de sécurité.
2. La mollesse et l’impuissance du camp du 14 Mars dans son opposition à l’hégémonie croissante et la puissance du Hezbollah, qui se sont illustrées merveilleusement bien, avec les événements tragiques du 7 mai 2008, qui, au lieu de conduire au désarmement de cette milice, se sont terminés par l’honorable et honteux accord de Doha, une couleuvre que beaucoup de Libanais, même les plus modérés, moi compris, ont eu du mal à avaler.

Dans «Cheikh Assir fait du ski », l’homme commence à apparaitre moins sympathique que durant le 1er épisode de la série. Profitant de « 3id mawlad el Nabaoui el-Charif » (la naissance du prophète Mahomet), le cheikh de Saïda décide de se rendre à Ouyoun el-Simane, à la tête d’une délégation de 350 hommes svp, pour soi-disant découvrir les joies de la neige, tout en récitant la sourate d’ouverture du Coran, la Fatiha, sur les Terres "maronites" de Kfarzébian. « Nous avons évité un nouveau bus de Aïn el-Remmaneh », rétorqua le populiste maronite Michel Aoun. Là aussi, taper sur la corde sunnite-maronite, peut trouver des mélomanes de la discorde dans les deux communautés ! Encore une fois, certains ont fermé les yeux sur cette provocation manifeste, qui s’inscrivait pourtant dans un coup marketing très bien étudié. Le cheikh salafiste mettait à profit l’éloignement forcé du « leader » de la communauté sunnite, Saad Hariri, pour lancer sa campagne électorale, et grignoter, avec beaucoup de difficultés il faut l'avouer, quelques points de popularité au sein de la communauté sunnite au détriment du courant du Futur, la veille, a-t-on cru naïvement, des élections législatives.

Dans «Cheikh Assir fait des embouteillages », les choses commencent à se gâter sérieusement. En signe de solidarité avec des familles d'islamistes, cheikh Ahmad el-Assir, a paralysé le centre-ville de Beyrouth pendant quelques heures pour réclamer « une amnistie générale » et la libération immédiate, et non le jugement, des détenus de Nahr el-Bared. Rappelons que la bataille de Nahr el-Bared a opposé entre le 20 mai et le 2 septembre 2007, l’armée libanaise à un groupe islamiste, Fateh el-Islam, après l’installation de ce groupe de 200 terroristes envoyés par le dernier tyran des Assad dans ce camp palestinien situé près de Tripoli. Malgré l’évacuation de la population civile palestinienne, le bilan humain est très lourd, 427 morts, dont 163 militaires libanais.

Enfin, nous avons assisté ces deux derniers jours à « Cheikh Assir va-t-en guerre ». Dans cet épisode, le salafiste de Saïda, apparait sous son vrai visage, un extrémiste pur et dur, le pendant sunnite de Hassan Nasrallah, le chef de la milice du Hezbollah. L’épisode commence par l’arrestation de miliciens salafistes sur un barrage de l’armée libanaise, puis l’assassinat odieux de trois militaires du barrage par la bande à Assir, et se termine par l’anéantissement du groupe terroriste de cheikh Assir par l’armée libanaise et la mort de 16 militaires.  

Il est impossible de dissocier l’armée libanaise de l’Etat libanais. Notre armée constitue un des piliers de l’Etat libanais (le pouvoir militaire), au même titre que le gouvernement libanais (le pouvoir exécutif), le Parlement libanais (le pouvoir législatif), les Forces de sécurité intérieure (le pouvoir sécuritaire), la justice libanaise (le pouvoir judiciaire), le président de la République libanaise (le garant de la Constitution) et le peuple libanais (le pouvoir populaire). Toute attaque contre l’un de ces piliers, les pouvoirs de l’Etat libanais, doit être considérée comme une attaque contre l’édifice de l’Etat libanais tout entier. C’était sur le plan théorique !

Côté pratique, il faut savoir qu'après plusieurs tentatives pour faire évacuer certains appartements autour de sa mosquée, occupés par des miliciens des Brigades de la résistance (affiliées au Hezbollah), en vain, le 23 juin 2013, Ahmad el-Assir a donné l’ordre à ses miliciens de se déployer à Saïda et ses environs pour faire plier le pouvoir militaire de l’Etat libanais. Il protestait contre l’arrestation de certains de ses miliciens et le maintien des appartements hezbollahi autour de sa mosquée. L’attaque des miliciens de Ahmad el-Assir contre l’Etat libanais, représenté par son armée, a conduit à la mort de 16 militaires, et à des dizaines de blessés militaires et civils. Le 23 juin 2013, Ahmad el-Assir a commis l’irréparable, en s’attaquant à l'Etat libanais, représenté par son armée. Et de ce fait, il ne bénéficie aujourd’hui d’aucune circonstance atténuante. Il doit être jugé pour les actes odieux qu’il a commis lui et ses hommes.

Ceci dit, le dernier épisode du feuilleton de Ahmad el-Assir, n’est pas sans me rappeler celui du « Jour glorieux » de Hassan Nasrallah ! Aujourd’hui, nous avons eu Ahmad el-Assir, un va-t-en guerre, contre l’armée libanaise, l’un des piliers de l’édifice de l’Etat libanais, comme naguère nous avions eu Hassan Nasrallah, un va-t-en guerre contre le gouvernement libanais, l’un des piliers de l’édifice de l’Etat libanais. Quand on y pense, le parallélisme est saisissant. 


Lors de ce « Jour glorieux », comme l’a baptisé le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah a donné l’ordre à ses miliciens de se déployer dans Beyrouth et une partie du Mont-Liban, d’encercler le Grand Sérail, siège du gouvernement libanais, ainsi que les résidences de deux grands leaders libanais à Beyrouth, Saad Hariri (chef de la communauté sunnite) et Walid Joumblatt (chef de la communauté druze). Le 7 mai 2008, Hassan Nasrallah avait décidé de faire plier le pouvoir exécutif de l’Etat libanais. Il protestait contre deux décisions prises par le gouvernement légitime et souverain de l’Etat libanais : démettre de ses fonctions le responsable de la sécurité à l’aéroport de Beyrouth (un proche du Hezbollah) et enquêter sur le réseau de communication illégal du Hezbollah au Liban. Pour être honnête -surtout en ce moment où l’armée libanaise est accusée de suivre la politique des deux poids, deux mesures- rappelons que pour des raisons de politique intérieure, le gouvernement de Fouad Siniora, n’a pas donné l’ordre politique au pouvoir militaire, de faire face à la menace du Hezbollah en ce début du mois de mai 2008. L’attaque des miliciens du Hezbollah contre l’Etat libanais, représenté par son gouvernement, a conduit à la mort d’une centaine de civils, des centaines de blessés et des milliers de personnes terrorisés. Le 7 mai 2008, Hassan Nasrallah a commis l’irréparable, en s’attaquant à l'Etat libanais, représenté par son gouvernement et sa population civile. Et de ce fait, il ne bénéficie d’aucune circonstance atténuante. Il aurait dû être jugé pour les actes odieux qu’il a commis lui et ses hommes.

Avec l’établissement de ce parallélisme entre les événements du 23 juin 2013 et du 7 mai 2008, j’ai trois regrets à formuler et à partager avec vous.

1. Je regrette que certains compatriotes ne considèrent pas toute attaque contre l’un des piliers de l’Etat libanais comme une attaque contre l’édifice tout entier de l’Etat libanais. Non, désolé, la fin ne justifie pas les moyens. Ni le 7 mai 2008, ni le 23 juin 2013. Ni hier, ni aujourd’hui. Ni contre les civils, ni contre les militaires. Ni contre le gouvernement libanais, ni contre l’armée libanaise, ni contre le peuple libanais. 

2. Je regrette que la mort des militaires libanais, ne soit pas ressentie avec une grande douleur, par tout le peuple libanais. L’indifférence de certains compatriotes, est particulièrement choquante. La sensibilisation discriminatoire d’autres compatriotes chrétiens, touchés uniquement par la mort des militaires de leur communauté, l’est tout autant. Non, désolé, la fin ne justifie pas les moyens. Aujourd’hui, je pense à ceux qui sont tombés à Saïda sous les balles traitres d’Ahmad el-Assir, mais aussi au lieutenant Samer Hanna, abattu de sang-froid le 28 août 2008 par un milicien du Hezbollah, dans le but d’empêcher l’armée nationale de s’entrainer dans le Sud-Liban. 

3. Je regrette que la mort de civils libanais, ne soit pas pleurée par tout le peuple libanais, et autant que les militaires libanais, tout simplement parce que ces civils sont considérés faire partie de « l’autre camp ». Non, désolé, la fin ne justifie pas les moyens. Ce n’est pas parce qu’on est contre Fouad Siniora et le 14 Mars, qu’on doit fermer les yeux sur l’infamie de ce qui s’est réellement passé le 7 mai 2008, pire encore, lui trouver des justifications ignobles. Aujourd’hui, je repense aux innocents qui sont tombés sous les balles traitres du Hezbollah lors de ce fameux « Jour glorieux des jours de la Résistance », un jour de honte de notre histoire, mais aussi à l’activiste Hachem Salman, un Libanais chiite abattu de sang-froid le 9 juin 2013 par un milicien du Hezbollah, dans le but d’empêcher l’émergence au sein de la communauté chiite d’une opposition à son mouvement. 

والسؤال إليوم هو، هل يللي صار بعبرا رح يكون عبرة مع حزب الله أو أحداث عابرة ؟

Des affrontements encore ! Hier, aujourd’hui ou demain. Beyrouth, Tripoli, Saïda ou Ersal. Rifaat Eid, Ahmad el-Assir ou Hassan Nasrallah. Des blessés et des morts, civils et militaires, ça ne s’arrêtera jamais ! Et pour cause, on s’attaque aux symptômes, par-ci, par-là, mais jamais à la maladie : la violation de la souveraineté libanaise à longueur de journée et à longueur d’année. Les forces politiques patriotiques au Liban doivent s'engager devant le peuple libanais, à faire voter la loi suivante:
Art.1 Tout milicien encore en activité au Liban, 20 ans après la dissolution des milices libanaises, qu'il soit hezbollahi, nationaliste-syrien, palestinien, salafiste ou gorille de politique, dispose de 6 mois pour échanger son arme contre un pistolet à eau.
Art.2 Au-delà des 6 mois, toute arme qui n'est pas entre les mains des forces armées libanaises sera confisquée. Son détenteur sera poursuivi devant les tribunaux.

Ahmad el-Assir vs. Hassan Nasrallah, ce sont : deux gestes, une même défiance ; deux théocraties, un même extrémisme ; deux armes, une même violation ; deux menaces, un même traitement. Je suis effaré de constater que certains compatriotes ne peuvent toujours pas se montrer capables d’être un tant soit peu plus mûrs, après 38 ans de guerre, en apportant un soutien sans réserve à l’Etat libanais, pour le rétablissement de la souveraineté nationale sur l’ensemble de son territoire, et un soutien sans condition à nos forces armées, pour la dissolution de toutes les milices armées, conformément à la Constitution libanaise, l’accord de Taëf, et aux résolutions du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, 1559 et 1701.

وبكل الاحوال، بتبقى فرودية الماي هيي الحل