mardi 14 mai 2013

Au diable loi orthodoxe, loi 1960 et loi mixte, remplaçons les élections par un tirage au sort. Et basta cosi ! (Art.143)


1. Vu que la Constitution libanaise stipule dans le préambule que « Le Liban est une république démocratique » et que la démocratie se base par définition sur la souveraineté des citoyens qui élisent librement leur représentant et non se voient imposer un choix par d’autres citoyens comme c’est le cas au Liban et dans toutes les démocraties du monde (avec le système majoritaire).

2. Vu que dans ce même préambule, la Constitution libanaise précise également que « la démocratie parlementaire du Liban se fonde sur le respect des libertés publiques et sur l’égalité des droits entre tous les citoyens » et que le « vote en bloc » de chaque communauté libanaise viole et la liberté individuelle des citoyens et l’égalité entre les citoyens.

3. Vu que la Déclaration universelle des droits de l’homme stipule dans l’article 21 que « La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement », et que le « vote en bloc » des communautés libanaises, en place depuis le fondement de la République libanaise, retire toute « honnêteté » à toute démocratie et à toute élection qui se baseraient sur cet état d’esprit.  

4. Vu qu’aujourd’hui le « vote en bloc » des communautés libanaises permet au quartet Nasrallah-Berri-Joumblatt-Hariri, de déterminer à l’avance l’élection du 3/4 des 128 députés qui composent le Parlement libanais.

5. Vu que les Libanais chiites votent en bloc selon les recommandations de leurs leaders, Hassan Nasrallah et Nabih Berri, pour les candidats des partis chiites du Hezbollah et d’Amal, et uniquement pour les « candidats chrétiens, sunnites ou druzes, agréés par Nasrallah-Berri » et pour personne d’autre ou presque.

6. Vu que les Libanais druzes votent en bloc selon les recommandations de leur leader, Walid Joumblatt, pour les candidats du parti druze du PSP (Parti socialiste progressiste), et uniquement pour les « candidats chrétiens, sunnites ou chiites, agréés par Joumblatt » et pour personne d’autre ou presque.

7. Vu que les Libanais sunnites votent en bloc selon les recommandations de leur principal leader, Saad Hariri, pour les candidats du parti sunnite du Courant du Futur et uniquement pour les « candidats chrétiens, chiites ou druzes, agréés par Hariri » et pour personne d’autre ou presque.

8. Vu que les Libanais chrétiens votent en bloc selon les recommandations de leurs principaux leaders, Samir Geagea, Amine Gemayel et Michel Aoun, pour les candidats des partis chrétiens des Forces libanaises, des Kataeb et du Courant Patriotique Libre, et uniquement pour les « candidats musulmans agréés par Geagea-Gemayel-Aoun » et pour personne d’autre ou presque.

9. Vu que le « vote en bloc » des communautés libanaises est une violation flagrante de la démocratie puisqu’il transforme les « élections législatives » en « désignations parlementaires ».

10. Vu  que l’esprit de la « loi orthodoxe » est appliqué de facto à toutes les élections libanaises depuis le fondement de notre République et la cohabitation politique islamo-chrétienne sur plusieurs décennies n’y a rien changé.

11. Vu que la moitié des députés chrétiens sont actuellement élus par un bloc de voix musulmanes après avoir reçu l’agrément du quartet musulman Hariri-Joumblatt-Berri-Nasrallah.

12. Vu que peu de députés musulmans sont élus par un bloc de voix chrétiennes après avoir reçu l’agrément du quartet chrétien Geagea-Gemayel-Frangié-Aoun.

13. Vu qu’aujourd’hui aucun candidat chrétien ou musulman ne peut espérer la moitié d’un quart de seconde se faire élire par les électeurs des communautés musulmanes ou chrétiennes s’il n’a pas reçu l’agrément des forces politiques dominantes des communautés musulmanes (le quartet musulman) ou chrétiennes (le quartet chrétien).

14. Vu que le Liban ne se limite pas à la place Sassine ainsi qu’à la rue Hamra, et aux pâtés de maisons qui les entourent.
 
15. Vu que les populations chrétiennes de certains cazas, dans le Sud, le Nord, l’Ouest, Beyrouth, et même du Mont-Liban, ne se donnent même pas la peine d’aller voter car leurs voix ne servent à rien, le « vote en bloc » détermine les chances des candidats d'être élus.

16. Vu que les opposants à la loi orthodoxe refusent toujours de louer un bus d’information électorale et d’aller sillonner les régions libanaises pour expliquer à la population de ce pays que ce n’est pas grave si Walid Joumblatt -ce n’est évidemment qu’un exemple parmi tant d’autres- qui n’est supposé « influencer » que l’élection des 4 députés druzes du Chouf et d’Aley, contrôle en réalité grâce à la loi féodale de 1960 et du vote en bloc de la communauté druze, les 13 députés de ces deux cazas (dont 5 maronites, 2 sunnites, 1 grec-orthodoxe et 1 grec-catholique).

17. Vu que Walid Joumblatt, a fait tout ce qui était possible pour maintenir la loi électorale de 1960, et a refusé tous les projets de lois électorales, dont les projets mixtes, sans proposer d’alternatives sérieuses, car celle-ci lui permet d’avoir un groupe parlementaire hypertrophié.

18. Vu que Walid Joumblatt et Saad Hariri sont opposés à la « loi orthodoxe » car ils craignent de voir leur bloc parlementaire se dégonfler, en perdant les députés chrétiens et en ouvrant les communautés sunnite et druze à la concurrence interne.

19. Vu que Hassan Nasrallah et Nabih Berri sont opposés à tout projet de loi électorale qui privilégie la petite circonscription et la proportionnelle, notamment la circonscription uninominale, en vigueur dans la plupart des pays démocratiques occidentaux. [Il n’a même pas été possible de diviser le Liban en 50 circonscriptions (projet des Forces libanaises), alors le diviser en 128 circonscriptions relève à l’heure actuelle de l’utopie.]

20. Vu que la loi de 1960 est une loi féodale qui convient à tous les partis politiques musulmans, mais pas aux partis chrétiens.

21. Vu que la loi orthodoxe est une loi controversée qui convient à tous les partis chrétiens, mais pas aux partis sunnites et druzes. 
 
22. Vu que jusqu'à présent, il n’a pas été possible de trouver une alternative sérieuse qui assure la correction de la tare chronique de la démocratie libanaise que représente le « vote en bloc ».

23. Vu que le Liban est un pays confessionnel depuis Mathusalem, et que les 17 communautés qui le composent se crêpent le chignon même pour le poste douanier vacant au fin fond du Hermel. 

24. Vu que seule la disparition du confessionnalisme des esprits est en mesure de modifier la pratique du « vote en bloc » des communautés libanaises.

25. Vu qu’on ne fait rien pour déconfessionnaliser réellement les esprits libanais, et que personne à l’heure actuelle ne réclame par exemple la refonte du Code civil, pour placer « naissance, mariage, divorce et héritage » loin du Front des soutanes unies et rendre le mariage civil obligatoire pour toutes les communautés libanaises.

26. Vu qu'on n'arrive tout simplement pas à nous mettre d'accord sur une loi électorale.

27. Vu tous les éléments qui précèdent, la tentation est grande de voter demain pour le projet de loi électorale du Rassemblement orthodoxe, instaurant le vote intracommunautaire au Liban. [Que dis-je, « légalisant » ce vote puisqu’en réalité il est appliqué de facto dans notre pays.]

28. Vu qu'il n'est pas certain que la séance parlementaire du 15 mai ait lieu !
 

29. Vu qu'une loi mixte majoritaire-proportionnelle est maintenant proposée par le 14 Mars et Walid Joumblatt -sauf que nous ignorons toujours son contenu !- et qu'elle sera probablement rejetée par le 8 Mars, renvoyant tout le monde à la case de départ, c'est-à-dire à la loi féodale de 1960, le souhait profond de Walid Joumblatt, le sable mouvant du pays du Cèdre.

30. Vu que tout ce qui est bâti sur du sable mouvant s'écroulera.


Eurêka! Khalas 7éleita lawa7dé. Au diable les mascarades d’élections. Contentons-nous de désigner nos représentants par un tirage au sort parmi les électeurs, comme pour les jurés dans certains pays ! On aura ainsi la loi électorale la plus simple au monde. Et basta cosi. Ça sera plus juste et donc, plus démocratique. Kholsit ba2a, n'importe qui de nous pourrait être député de la nation ! Condition nécessaire : un compte bancaire, c’est tout. Pas besoin de savoir bien parler ou bien écrire, ou d'avoir des idées politiques, ça viendra après. Enno chou, on ne fera pas mieux que Nayla Tuéni par exemple? Le comble, c’est que je suis le plus sérieux au monde. Alors, d'un coup on se débarrasse des lois électorales complexes, des promesses sans lendemain, du charlatanisme politique, de l'élitisme pompeux, du populisme à 5 piastres et même de Gilberte Zouein du coup, elle n'aura plus que 1 chance sur 3,5 millions d'être élue, c'est pour vous dire. L'avenir du Liban, c'est le tirage au sort. Wlak, c'est une idée géniale. On pourrait même abolir le confessionnalisme des textes avant les esprits, en dépit du bon sens. On aura tout le temps pour s'aimer et lire de la poésie. On fera comme les singes, on se cherchera des pouls. Mais, c'est au sens propre, pas au sens figuré, voyons ! Vous pensez que je blague ? Je n’ai rien inventé. Cette idée me trottait dans la tête depuis fort longtemps. Et quelle fut grande ma surprise et ma joie, de tomber un jour sur cette magnifique phrase de Montesquieu : « Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie ; le suffrage par choix est de celle de l’aristocratie ». Sublime de vérité.



Post-scriptum 1
De grâce, qu’on cesse toutes ces prophéties apocalyptiques foireuses dignes du lascar de fin d’année de la LBC. « Le Liban serait en danger de mort à cause de la loi électorale, ainsi que l’unité nationale, la cohabitation fraternelle et la solidarité communautaire » ! Aux amnésiques par omission ou par conviction, je rappelle que nous avons connu une guerre civile, donc communautaire, de 38 ans, qui est loin d’être terminée, avec ses 150 000 morts, ses 17 000 disparus, son million de blessés, bilan provisoire. Nous avons une dette de près de 60 milliards de dollars, soit 140 % du PIB. Aujourd'hui, le Liban accueille plus d'un million de réfugiés syriens, en plus du demi million de réfugiés palestiniens. Le conflit syrien est loin, très loin, de toucher à sa fin. Le conflit israélo-palestinien, n'en parlons pas. Aucune perspective pour en finir avec les armes illégales du Hezbollah, contrairement à ce pensent avec une naïveté déconcertante certains analystes. Alors, ce n'est pas la peine d'agiter l'épouvantail existentiel de la structure politique libanaise pour justifier le maintien de la tare chronique de notre démocratie où la moitié des députés chrétiens sont désignés par un quartet musulman, car cela ne renforce nullement l’unité nationale, la cohabitation fraternelle et la solidarité communautaire. Wallah el Azim rawéyé ! La 7awla wa la qowata ella bel Allah.

Post-scriptum 2
Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse et qu’on écrive, quoi qu’on coasse et croasse, et quoi qu’il en soit, on en saura plus dans les prochaines heures. Mais, une chose est sûre d'ores et déjà : rebelote en 2017. Espérant, d’ici là, que les partis politiques libanais, apprendront de leurs erreurs et prendront conscience que rien ni personne n’est au-dessus de la sacro-sainte démocratie et que toute loi électorale doit assurer une bonne représentativité des électeurs. Sinon, tirage au sort, et basta cosi.