vendredi 13 octobre 2017

Il est temps d'ériger un monument national en hommage aux soldats libanais exécutés par l'armée syrienne le 13 octobre 1990 (Art.473)


Un avion Soukhoï dans le ciel de Baabda
lors de l'invasion syrienne du 13 octobre 1990
La guerre civile libanaise a éclaté le 13 avril 1975 par un affrontement avec les milices palestiniennes, l'Etat dans l'Etat, qui étaient aidées par des alliés libanais, et s'est achevée le 13 octobre 1990 par un autre affrontement avec les troupes syriennes, d'occupation, qui étaient aussi secondées par des alliés libanais, les mêmes pour certains d'ailleurs, elqawmiyé du Parti Social Nationaliste Syrien, pour ne citer qu'eux. A cette occasion, je voudrais partager avec vous trois réflexions au-delà des cyniques « Journée rangers » pour les uns et « Journée pyjama » pour les autres.

1. Quelles que soient nos divergences politiques, nul ne peut contester le fait que sans les forces étrangères palestiniennes et syriennes, la guerre civile libanaise aurait pu ne pas avoir lieu, ou au moins, elle aurait connu une autre fin. Or, ces deux forces étrangères ne se sont installées au Liban qu'avec l'accord et la bénédiction des autorités légales libanaises de l'époque. Peu importe les justifications, une chose est donc sûre et certaine, de tous temps, la politique de l'autruche, où l'on ne veut pas voir les choses venir, comme la politique du déni de la réalité, "ah mais c'est la guerre des autres", ne dédouanent pas les leaders libanais. Hier, avec l'OLP et l'armée syrienne, comme aujourd'hui, avec le Hezbollah ou l'ingérence iranienne (qui veut mettre saoudienne, américaine ou extraterrestre, ne se gêne pas!), les leaders libanais -Aoun, Hariri, Berri, Bassil, Geagea, Gemayel, Joumblatt et Nasrallah- sont pleinement responsables de ce qui se passe ou ne se passe pas au Liban.

2. Sur le plan des personnes, on peut user de la même formule pour affirmer que sans Yasser Arafat et Hafez el-Assad, qui gisent tous les deux six pieds sous terre -certains diraient même « Allah yighame2loun » spécialement pour « Lapin Ier du Golan », Abou Ammar était quand même plus sympathique- on aurait écrit l'histoire contemporaine du Liban différemment. Pour les détails, c'est carte et page blanches pour toutes les spéculations. Nous vivrions en Suisse de l'Orient, pays neutre au beau milieu d'un Moyen-Orient en ébullition, à feu et à sang. Peut-être que non, ça n'aurait rien changé, nous aurions eu notre guerre civile quand même et la libération de la Palestine serait passée par Jounieh aussi.

Dans tous les cas, si Ali Souleimane el-Wahéch avait été pour une raison quelconque inapte à honorer sa femme, les choses seraient bien différentes aujourd'hui, au Liban comme en Syrie. Qui ça? El-wa7ech ya ghadanfarr! Ah pardon, que je vous fasse les présentations. Vous ne le savez sans doute pas, comme moi il y a peu de temps, les maitres de la Syrie depuis 1970, n'ont pas toujours porté le nom de famille assad, ni le surnom de famille aranéb el-joulène. Le pater familias de ce clan était un « wa7éch ». Non, BB ne fait pas dans le sarcasme. Pour s'être opposé au mandat de la France sur le Liban et la Syrie, on transforma le nom de la famille en 1927. On passa alors de « wa7éch », la bête sauvage et le monstre, à « assad », le lion. Je vous jure que c'est vrai de vrai! Chou ya Bachar, il va falloir songer à retourner au source, ésém 3a moussama, ça t'ira beaucoup mieux.

Revenons à nos moutons. Donc, si Wa7ech Qordaha avait été stérile ou pas trop porter sur la chose, la guerre civile libanaise aurait pris une autre tournure et les leaders libanais d'autres destins.

Je vois Michel Aoun en général à la retraite, papy comblé et reconverti en expert militaire sur OTV, Saad Hariri en docteur honoris causa, titre décerné par l'Université de l'Atlantide, et Nabih Berri en envoyé spécial du Liban dans le monde, pour s'assurer de l'attribution de la paternité du hommous aux Libanais et non aux Israéliens qui tentent ingénieusement de se l'approprier. Si si, et là aussi, je ne fais pas dans le sarcasme! Mais encore, je vois même Gebrane Bassil jouant Don Quichotte sur Masra7 al-Madina pour la 17e année consécutive, non-stop ; Samir Geagea partageant la même cellule que père Dario Escobar à Wadi Qadisha; Amine Gemayel dirigeant le musée de cire de Jbeil ; Walid Joumblatt régnant sur le marché des girouettes et des éoliennes ; Samy et Teïmour fabriquant une jebné jabaliyé pauvre en sel dont raffolent tous les hypertendus du monde ; Hassan Nasrallah spécialisé dans la mythologie gréco-romaine et perse ; et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes ou le pire d'ailleurs. En tout cas, ça serait différent aujourd'hui, forcément!

3. On ne peut pas évoquer le 13 octobre sans penser au repli de Michel Aoun à l'ambassade de France pour plusieurs mois, à l'exécution sommaire de plusieurs dizaines de soldats libanais par l'armée syrienne, à l'extension de l'occupation syrienne du Liban au « réduit chrétien » (la seule région libre du territoire libanais qui était partagé à l'époque entre la Syrie et Israël) et à la tentative d'infiltration des miliciens chiites du Hezbollah dans les régions chrétiennes limitrophes (arrêtée à l'époque par les miliciens d'Elie Hobeika, ex-chef de la milice des Forces libanaises, mué en anti-FL et pro-syrien). Qu'on n'ait jamais voulu faire toute la lumière sur cette journée tragique et établir les responsabilités des uns et des autres, posent déjà un grand problème à la double réconciliation interlibanaise et syro-libanaise. Passe encore. Mais qu'on n'ait jamais tenté depuis ce sinistre 13 octobre 1990 ou ne serait-ce que depuis le retrait du dernier soldat syrien du Liban le 26 avril 2005, de rendre un hommage solennel et éternel aux soldats libanais morts pour défendre la patrie, à la hauteur de leur sacrifice, est tout simplement impardonnable.


Monument aux morts de Rochechouart, Haute-Vienne (France)
Photo: JLPC, Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0

Par conséquent, il revient au président de la République libanaise, Michel Aoun, dont le nom est étroitement lié à cet événement tragique:
Mémorial de la France combattante
Hommage aux Français qui ont combattu et résisté
à l'occupation allemande ou ont été déportés.
Le monument se situe au pied de la forteresse du
mont Valérien, région parisienne, où un millier
de résistants ont été exécutés.
Photo: Blinche, Wikimedia Commons

- d'une part, d'y remédier, en faisant construire un monument, une nécropole ou un mémorial national, en mémoire des soldats libanais exécutées par l'armée syrienne au cours de cette journée (un an de mandat est déjà écoulé, il lui reste donc cinq ans pour l'ériger et faire inscrire clairement sur la stèle commémorative que les soldats qu'il commandait et à qui il a expressément demandé de se battre jusqu'au bout, ont été exécutés par l'armée de Hafez el-Assad!);


- et d'autre part, de demander à Bachar el-Assad, le fils de ce dernier, « Lapin II du Golan », avec qui il est maintenant en bons termes depuis que beaucoup d'eau et d'arrangements ont coulé sous les ponts, de présenter ses excuses aux familles, à l'armée et au peuple libanais pour ce crime de guerre odieux


Mémorial de la Résistance et nécropole nationale
de Chasseneuil-sur-Bonnieure. Le monument et le
cimetière qui l'entoure sont dédiés à la mémoire des
1 465 martyrs de la Résistance et combattants
de la Charente. On y trouve des stèles chrétiennes,
musulmanes, juives et aconfessionnelles.
Photo: JLPC, Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0
Il est d'autant plus nécessaire d'ériger ce monument, cette nécropole ou ce mémorial national, qu'un tel édifice renverra à un événement historique qui marque la fin de la guerre civile libanaise. C'est avec son édification que les patriotes sincères peuvent commencer leur travail national de deuil et que nous prouverons pour l'histoire que nous avons bien compris ce que l'écrivain français Charles Péguy nous a dit avant de mourir la veille de la Grande guerre, dans son poème Eve : « Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle, mais pourvu que ce fût dans une juste guerre. Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre. Heureux ceux qui sont morts d'une mort solennelle ».