vendredi 25 avril 2014

L’élection présidentielle au Liban : une commedia dell'arte qui vire à la tragicomédie (Art.223)


Aucune terminologie ne peut mieux décrire la situation au Liban que celle du titre de cet article. « La commedia dell'arte est un genre de théâtre populaire italien où des acteurs masqués improvisent des comédies marquées par la naïveté, la ruse et l'ingéniosité ». Dans l’adaptation libanaise, il faut rajouter la bassesse, hadan be2elkoun waté !, le comportement humain le plus répugnant qui soit. Voici donc la tragicomédie qui s’est jouée sur la scène du Parlement libanais, place de l’Etoile à Beyrouth, le 23 avril 2014.

Boum, boum, boum !

I. Désolé, mais ce qui s’est passé ce mercredi était plutôt prévisible, malgré l’improvisation. L’élection présidentielle n’est pas tout à fait un match de foot ou un combat de boxe, c’est plutôt un combat de coqs. Il ne suffit pas de faire un bon match et de gagner des points. Seul le résultat final compte. On gagne au nombre de buts marqués et par KO. Certes, ni le 14 Mars ni le 8 Mars n’a gagné avant-hier. Les deux camps ont perdu, mais pas sur le même terrain. Si le 14 Mars a perdu la bataille électorale du 1er tour, le 8 Mars s’est déshonoré pour si peu. Il est indéniable, ils ont leur République à 5 piastres, nous avons la nôtre, et nous la bâtirons coûte que coûte.

II. Malgré la participation folklorique de 124 députés à la séance électorale, sur 128 au total, la démocratie libanaise est en déclin. Michel Aoun vs. Samir Geagea, la finale électorale dont rêvaient beaucoup de Libanais n’aura pas lieu, par le désistement du Général. Nous serions dans un match de boxe, Hakim pourrait donc être déclaré vainqueur. Il a réussi à contraindre tous les députés du 8 Mars, ceux de Hassan Nasrallah, de Walid Joumblatt et de Michel Aoun, à entendre raisonner au-delà des murs et dans leurs têtes, 48 fois le nom « Samir Geagea ». Si comme dit GMA, « certains personnes ont de la mémoire », ô combien sélective, pour justifier les enfantillages sordides de son bloc parlementaire et des vassaux libanais du dernier tyran des Assad, l’histoire elle, a une mémoire infaillible. Elle écrira que le nom « Michel Aoun » ne sera jamais prononcé une seule fois dans l’hémicycle lors d’une séance électorale, malgré toutes les guerres dévastatrices et tant d’alliances inopinées déclenchées et conclues par le général Michel Aoun dans ce but, en trente ans de règne.

III. Le grand perdant de la première séance électorale est incontestablement le général Michel Aoun, victime d’une triple peine. A 81 ans, c’était la dernière occasion de sa vie d’affronter démocratiquement son ennemi juré et de vivre un plébiscite à la De Gaulle, ce dont il rêve depuis 1984. En 2020, il aura 87 ans, sa candidature à la magistrature suprême serait donc une folie. C’est la première peine. Rajoutez à cela, qu’en dépit de la signature d’un pacte de solidarité avec Hassan Nasrallah, Michel Aoun fut incapable de faire adopter sa candidature par son propre allié, malgré tant de zèle et une fidélité sans faille depuis 2006. C’est la seconde peine. Ainsi, il n’a ni réussi ni même osé, ni à se faire élire président de la République libanaise, ni à faire adopter sa candidature par son propre camp, et le pire, ni même à se déclarer candidat, malgré le fait qu’il possède le plus grand bloc parlementaire chrétien et qu'il en a fait une obsession. C’est la troisième peine. Last but not least, bonus de peine, Aoun sait que son ennemi juré a encore trois occasions de se représenter à la présidence de la République libanaise, en 2020, 2026 et 2032. Pas lui, 7ata law kel ela3mar biyad ellah. D’où la bassesse du comportement du 8 Mars avant-hier.

IV. Sauf votre respect, j’ai toujours pensé qu’il y a deux hommes d’Etat dans ce pays : Samir Geagea et Fouad Siniora. Quoi de plus logique alors que de les voir président de la République et Premier ministre, ensemble. Cependant, la candidature du premier dans le contexte actuel est une erreur de stratégie, dont l’intéressé pouvait se passer allégrement. Il n’y a rien à gagner, ni pour lui, ni pour son parti, ni pour son camp, bien au contraire. L’art de la confrontation consiste à surprendre ses adversaires, en ne leur laissant pas le temps de réagir, à ne pas livrer bataille sur un front établi par les adversaires et à ne jamais donner l’occasion de se faire attaquer sur son flanc faible. En tout cas, le 14 Mars, spécialement Samir Geagea, a eu tort de négliger l’article 49 de la Constitution libanaise, relatif aux quorums de séance et d’élection, et de sous-estimer la détermination de l’alliance tricéphale infernale, Hezbollah-Assad-Mollahs, à saboter son élection par tous les moyens disponibles.

V. Nul n’oubliera que plus de la moitié des députés sunnites du Liban ont voté pour le chef maronite du parti des Forces libanaises, malgré la grotesque khousousiyé el traboulsiyé (tout le monde sait que c'est le premier tyran des Assad qui a assassiné l'ancien Premier ministre natif de Tripoli). Curieux, mais ce point me rappelle la journée historique du 14 mars 2005. C’est le mérite personnel de Saad Hariri, il faut le reconnaître. L’ancien Premier ministre a sans doute de bonnes raisons (de sécurité) pour rester en exil. Il n’empêche qu’on ne peut pas espérer gagner une bataille de l’importance de la présidentielle en menant le combat de l’étranger. Ne serait-ce qu’à cause du fait qu’il est lui-même député-électeur, et tous les candidats du bloc du Futur n’ont pas voté pour son allié. Si le courant du Futur tenait réellement à la candidature de Samir Geagea, il fallait non seulement que le chef du 14 Mars vienne voter pour le candidat des Forces libanaises, mais en plus, il fallait annoncer ce soutien urbi et orbi, longtemps à l’avance, et faire campagne pour le candidat à travers des conférences de presse, même de l’étranger. Rajoutez à cela le fait qu’aucune pression n’a été exercée sur la girouette de Moukhtara, pour le faire renoncer à sa ridicule idée de diversion. Rien, absolument rien. Walid Joumblatt n’a fait qu’à sa tête, comme d’habitude, dans l’impunité la plus totale, comme lorsqu’il a rejoint les comploteurs qui avaient décidé le 11 janvier 2011 d’expulser le Premier ministre du Grand Sérail pour remettre le pouvoir entre les mains de la milice chiite pendant deux ans. Saad Hariri aurait dû sommer le bek de choisir son camp, comme le fait d’ailleurs le Hezbollah dans un moment vital. Le bek ne comprend que le langage de la force. Là aussi, erreur de stratégie.

VI. Il est navrant de constater que les députés du 8 Mars ont pris le Parlement ce mercredi pour une cour de récréation. Glisser massivement des bulletins blancs dans l’urne, par 52 députés de la troupe du Sayyed, et se retirer de la salle, pour saboter la séance électorale suivante, afin d’éviter d’affronter le candidat Samir Geagea est certainement un acte autorisé par la Constitution, mais il n’est pas moins lâche pour autant. Le 8 Mars, et Michel Aoun précisément, été plus préoccupé par l’évitement de l’humiliation de la défaite, que par le respect des règles démocratiques. Ceci étant, sur ce point, le 14 Mars ferait mieux de la mettre en sourdine car ses députés seront sans doute amenés à faire de même, si à la prochaine séance, Walid Joumblatt et ses otages, les 16 centristes de pacotille qui ont voté pour sa marionnette, Henri Helou, rejoignent les députés du 8 Mars, les 52 qui ont voté blanc, pour accorder la majorité absolue à un candidat pro-Hezbollah, pro-Bachar, pro-mollahs, comme Emile Rahmé et consorts. Fakro fiya ya chabeb !

VII. L’inscription par six députés du 8 Mars, des noms de Rachid Karamé, Dany Chamoun, Tarek Dany Chamoun, Jihane Tony Frangié et Elias Zayek, sur six bulletins de vote, allusions à certains assassinats et à des dossiers judiciaires concoctés contre Samir Geagea durant la période d’occupation syrienne du Liban par la tyrannie des Assad, reconnus comme tel par Michel Aoun himself, ne peut être l’œuvre que d’une bande de racaille organisée. Cette manœuvre est d’autant plus grotesque que les principaux concernés, Dory Chamoun et Sleiman Frangié, ont reconnu que Samir Geagea n’a pas été impliqué dans ces meurtres. A ce jeu infantile déplacé, les députés du 14 Mars seraient obligés d’inscrire les noms de leurs martyrs recto verso et de voter à plusieurs reprises. En tout cas, il aurait été ô combien plus cohérent pour les pôles du 8 Mars d’inscrire les noms de Moustafa Badreddine et consorts, les cinq membres du Hezbollah qu’ils protègent, les « saints » selon les dires de Hassan Nasrallah lui-même, ceux qui sont accusés par la plus haute juridiction internationale, le Tribunal Spécial pour le Liban, de l'assassinat de Rafic Hariri, l’ancien Premier ministre libanais.

VIII. A l’avenir pour éviter une partie des enfantillages des députés libanais du 8 Mars, il faudrait adopter trois réformes constitutionnelles. La première concerne la tenue des séances électorales, dont les dates devraient être fixées automatiquement, sans l’intervention du président de l’Assemblée. La seconde concerne l’obligation des députés libanais de se rendre au Parlement pour l’élection présidentielle, à toutes les séances. A défaut, ils perdraient tous les émoluments de leur mandat. Certains députés libanais ne comprennent ni l’intérêt national ni celui des électeurs. Ils ne comprennent que l’intérêt de leur poche et de leurs proches. La troisième, concerne le déroulement du scrutin qui devrait, pour une plus grande efficacité, s’inspirer de celui du Vatican, qui a fait ses preuves au cours des 1 950 années précédentes. Les députés du Liban siégeraient en conclave au Parlement, c’est-à-dire ils ne pourraient plus sortir avant l’élection d’un nouveau président pour le pays. Ça évitera la fuite des députés dès qu’un nom ne leur plait pas, pour saboter le quorum de séance, et de perdre six mois pour connaitre le nom de l’heureux élu, comme ce fut le cas la dernière fois.


Post-scriptum

1. Nabih Berri apparait plus que jamais comme le vieux renard de l’Assemblée. Ça apprendra à tout le monde de l’élire encore en 2032 !

2. Walid Joumblatt prend encore et toujours la démocratie libanaise en otage. Beaucoup de Libanais espèrent que cette tare ne soit pas héréditaire. En attendant, politiciens et journalistes du 14 Mars s’ingénient pour éviter de dire ses quatre vérités au leader druze du Parti socialiste libanais. Et pourtant j'ai beau leur dire que tout ce qui est bâti sur des sables mouvants au Liban, s’écroulera, ils continuent à construire des châteaux en Espagne, et à hisser sur leurs toits, la girouette de Moukhtara. 

3. Il semblerait que Nayla Tuéni existe en chair et en os. Les électeurs d’Achrafieh étaient contents de l’apprendre. Mais ils ont vite déchanté quand ils ont découvert qu’elle aurait voté pour la marionnette de la girouette. Ma3lé, ils sauront s’en souvenir, surtout qu’elle avait fait la promesse de campagne, de rejoindre le bloc des FL après les élections. Lol, maheik?

4. Bakhos Baalbaki pense que Sethrida Geagea peut se passer des chaussures à talons hauts. Khamesta3char centi ? Enno mich darouré abadann ! Elle ne perdra rien de son charme et libérera les bras de ses cavaliers du bloc des FL pour faire autre chose que de l'accompagner et soutenir dans sa démarche.

5. Gilberte Zouein continue à faire vœu de silence pour la 10e année consécutive de son mandat parlementaire. Hey, by the way, peu de gens d’entre vous savent, j’en suis sûr, que la députée aouniste est présidente, tenez-vous bien, de la « Commission parlementaire de la femme et de l’enfant » depuis plusieurs années. Et devinez qui en est le rapporteur ? Nayla Tuéni herself, une autre adepte du vœu de silence. Après, on s’étonne que les députés-mâles ont fait voté une loi amputée pour protéger les femmes libanaises de la violence domestique ! Ba2a ya sabaya ya helwinn, choufo chou badkoun ta3emlo.

6. Okab Sakr est toujours porté disparu depuis son implication dans un trafic de couches-culottes et de cure-dents en Syrie. Un nouvel avis de recherche est lancé pour la 4e année consécutive, avec toujours un espoir de ses sympathisants de réentendre un jour la voix de leur député-fantôme.

7. Le vote des députés est secret, mais il semblerait que Robert Ghanem, candidat à la présidence de la République libanaise since 1995, saint patron des promoteurs et membre du bloc du Futur, n’a pas voté pour Samir Geagea. Ça apprendra aux députés des FL de voter gentiment sa loi de libéralisation sauvage des loyers à Beyrouth il y a trois semaines.

8. Tenez, encore un truc. Samir Geagea a obtenu des voix de toutes les communautés libanaises (sunnite, maronite, grec orthodoxe, grec catholique, arménien catholique, arménien orthodoxe, chiite, alaouite, protestante et minorités) à l’exception de la communauté druze. Aucune voix. Et pourtant, les sympathisants du 14 Mars croyaient naïvement qu’il y en avait un dans la poche. Eh bien, non, Marwan Hamadé a préféré Henri Helou. Khousousiyét el taïfé el derziyé, ma heik ?

9. Breaking News. On apprend à l’instant, qu’après une réunion d’urgence du bloc du changement et de la réforme, Général el-Rabieh a ordonné le retrait de tous les miroirs de sa maison de Rabieh et l’arrachage des rétroviseurs de toutes les voitures dans un rayon de 2 km autour de sa résidence. Une enquête est en cours pour connaitre les raisons exactes de cet acte impulsif. Hakim Meerab, magheiro, pense que c’est en rapport avec sa déception de ses alliés et une altération grave de l’image de soi. Enno fiya nazra.

Rideau !

Réf.
Qui de Samir Geagea et de Michel Aoun, rejoindra Camille Chamoun, Fouad Chehab et Bachir Gemayel ? Réflexions sur l’élection présidentielle au Liban (Art.222) / Bakhos Baalbaki

Et si le 14 Mars remplaçait Samir Geagea par Michel Aoun ? Les trois options du général : la grande porte, la petite porte ou la trappe (Art.230) / Bakhos Baalbaki

mardi 22 avril 2014

Qui de Samir Geagea et de Michel Aoun, rejoindra Camille Chamoun, Fouad Chehab et Bachir Gemayel ? Réflexions sur l’élection présidentielle au Liban (Art.222)


1. Il est navrant pour notre démocratie de constater que depuis 1998 le Liban « libre, souverain et indépendant », est incapable d’élire un civil au palais de Baabda. Les deux derniers présidents de la République libanaise, Michel Sleiman et Emile Lahoud, sont issus des rangs de l’armée libanaise. Si la situation politique en 1998 (élection du général Emile Lahoud), en 2004 (prorogation du mandat d’Emile Lahoud) et en 2008 (élection du général Michel Sleiman) étaient difficiles, amenant les parlementaires libanais à penser à l’option militaire, celle d’aujourd’hui n’en est pas moins compliquée pour autant et ceci pour diverses raisons. Hassan Nasrallah fut contraint récemment de partager le pouvoir à travers le gouvernement de Tammam Salam, et de céder des ministères clés comme la Justice, l’Intérieur et les Télécoms, le procès des accusés du Hezbollah se poursuit par le Tribunal Spécial pour le Liban, la milice chiite est enlisée dans la guerre civile en Syrie, la chute du régime syrien n’est pas à l’ordre du jour à moyen terme, les élections législatives libanaises sont hypothéquées par l’instabilité sécuritaire et l’absence de consensus sur une nouvelle loi électorale, un accord définitif sur le nucléaire iranien entre les pays occidentaux et le régime des mollahs avant la fin du mois de juillet n’est pas acquis d’avance et les mesures antisociales votées par le Parlement libanais mettent la rue en ébullition. Par conséquent, tous les voyants lumineux du cockpit de notre pays clignotent. Des périodes de turbulence sont en vue. L’option militaire est sur la table. Tout le monde sait qu’en dépit de l’optimisme ambiant affiché par les uns et les autres, ce n’est certainement pas le moment pour céder aux yeux doux et aux avances des partenaires comme des adversaires. La bataille présidentielle sera rude car l’enjeu est plus important que jamais. C’est le calme aujourd’hui, avant l'arrivée de la tempête demain.

2. A la dernière élection présidentielle, le vieux renard de l’Assemblée, Nabih Berri, élu et réélu par le 14 Mars comme par le 8 Mars, a reporté la séance de l’élection du président de la République libanaise 19 fois, entre le 23 novembre 2007, fin du mandat d’Emile Lahoud, et le 25 mai 2008, élection de Michel Sleiman, car la cravate de certains candidats n’était pas assortie avec la couleur en vogue au pays du Cèdre. Il a fallu l’Accord de Doha pour mettre fin à l’expédition punitive lancée par la milice du Hezbollah le 7 mai 2008 contre le gouvernement de Fouad Siniora (14 Mars), et la neutralité du commandant de l’armée libanaise de l’époque, le général Michel Sleiman, pour débloquer la situation. Donc, il ne faut pas s’exciter trop pour la séance électorale du mercredi 23 avril 2014. Au Liban, on ne couche pas le premier soir.

3. L’article 49 de la Constitution libanaise stipule clairement mais non sans une certaine ambiguïté que « le président de la République est élu, au premier tour, au scrutin secret à la majorité des deux tiers des suffrages par la Chambre des députés ; aux tours des scrutins suivants, la majorité absolue suffit ». Cette formulation spéciale a donné lieu à diverses interprétations en 2007-2008. Le 14 Mars avançait que la présence de « la moitié plus un » des députés était suffisante sur le plan légal. J’en doute fort que cela soit le cas. Il n’est pas difficile de saisir la triple logique du législateur de l’Indépendance. D’abord, il faut savoir qu’à l’époque les prérogatives du président de la République étaient très étendues. Ainsi, pour une échéance de haute importance, l’abstention de la moitié des représentants du peuple donnait à une telle élection une légitimité rachitique. Le législateur ne pouvait donc pas envisager une abstention supérieure au tiers des députés du Parlement. Ensuite, étant donné la supériorité démographique chrétienne selon le recensement de 1932, le législateur avait prévu à l’Indépendance, 30 députés pour les communautés chrétiennes et 25 députés pour les communautés musulmanes. Là aussi il est évident, pour une question de légitimité, inenvisageable d’imaginer l’élection d’un président de la République libanaise à la « moitié plus un ». Les chrétiens pouvaient alors élire la personne de leur choix sans s’occuper de leurs compatriotes musulmans, et vice versa, pour ces derniers, il suffisait de convaincre trois députés chrétiens de les rejoindre, pour ignorer les premiers. Enfin, il ne peut pas y avoir « deux tiers des suffrages » sans la présence des deux tiers des députés au Parlement. Elémentaire, mon cher Watson ! L’élection d’un président à la moitié plus un des députés, est donc tout simplement une hérésie constitutionnelle.

4. Pour couper court à toute nouvelle polémique autour du quorum, estèz Nabih Berri a prévenu urbi et orbi toute la classe parlementaire : « Ma position à ce sujet est claire et définitive. Le quorum est de deux tiers pour la tenue de toutes les séances. Le quorum pour l’élection du président est de deux tiers au premier tour et de la moitié plus un du nombre des députés du Parlement, au deuxième tour ». L’information capitale étant cette précision du vieux renard : « le quorum est de deux tiers pour la tenue de toutes les séances ». On sait, y compris les intéressés eux-mêmes, que ni Samir Geagea ni Michel Aoun ne pourrait avoir deux tiers des suffrages parlementaires au 1er tour, soit les voix de 86 députés. Il faut donc ni rêver ni cauchemarder. Quoique ! Les deux hommes espèrent donc se faire élire au 2e tour avec la majorité absolue. Or, comme le précise le président de l’Assemblée, la présence des deux tiers des députés est une condition sine qua non pour passer au 2e, 3e ou au 36e tour. A n’importe quel moment, un défaut de quorum annule la séance électorale. Rajoutez à cela que l’élection des tours suivant le premier se fait à la « majorité absolue » de l’ensemble des députés vivants et non des députés présents en salle. Ainsi, pour se faire élire au 2e tour et aux tours suivants, il faut convaincre 65 députés quand même. Ni le 14 Mars, ni le 8 Mars n’en a la capacité dans le cas des candidatures de Samir Geagea et de Michel Aoun. Chaque camp ne dispose actuellement que d'une réserve théorique de 57 voix, sachant que deux députés du 14 Mars ne pourront pas donner la leur: Saad Hariri, en exil depuis le coup de force du Hezbollah en janvier 2011, et Okab Sakr, mystérieusement disparu il y a trois ans déjà. Inutile de vous dire, ni le hakim ni le général ne peut compter sur une seule voix du bloc de la girouette de Moukhtara (Walid Joumblatt), qui en veut encore depuis 1977 à la « mauvaise graine » maronite.

5. Certes, Samir Geagea et Michel Aoun ont réussi à imposer leurs candidatures, l’un officiellement, l’autre officieusement, en coupant l’herbe sous les pieds des petits candidats. C’est une condition nécessaire, pour se faire élire, mais pas suffisante. Entre Samir Geagea et Robert Ghanem et consorts, disons-le sans détour, le courant du Futur n’hésitera pas, il choisira les seconds. Entre Michel Aoun et Emile Rahmé et consorts, le Hezbollah n’hésitera pas non plus, il choisira les seconds aussi. Pourquoi toujours les seconds ? Parce que les seconds sont plus commodes que les premiers. Et ça, c’est de la politique. Le reste n’est que palabres.

6. On nous dit que Samir Geagea ou Michel Aoun, n’a aucune chance d’être élu président de la République libanaise, ni aujourd’hui ni demain, car les deux hommes sont des personnalités fortes, ils sont intransigeants et populaires, deux caractéristiques éliminatoires pour briguer la haute magistrature dans un pays comme le Liban. Cette allégation est contredite par trois exemples historiques flagrants. Camille Chamoun fut élu dès le 1er tour en 1952 par 74 des 77 députés du Parlement de l’époque. Fouad Chehab est passé au 2e tour en 1958 avec 48 voix sur les 56 bulletins dépouillés. Bachir Gemayel, dont l’élection en 1982 a fait couler beaucoup d’encre et a suscité tant d’hystérie, a réussi à convaincre au 2e tour, 58 députés des 62 présents, de voter pour lui.

Toujours est-il, ni Samir Geagea ni Michel Aoun ne réussira à se faire élire président de la République libanaise demain, et ceci pour diverses raisons:
  
6.1 A cause, comme je l'ai dit précédemment, des choix politiques profonds du courant du Futur et du Hezbollah qui vont plutôt vers les candidats dociles que vers les candidats difficiles, en dépit des soutiens rafé3 3atab, déclarés ou sous-entendus, de part et d’autre.  

6.2 A cause de l'idéologie et les choix politiques du Hezbollah, qui clive la société libanaise en deux camps inconciliables, ce qui n'était pas le cas il y a plus de 30 ans. 

6.3 A cause de W-bek, celui qui prend en otage la démocratie libanaise depuis une dizaine d'années. Walid Joumblatt a déjà tout fait pour garder la loi féodale de 1960, qui lui permet d'avoir un poids électoral sans commune mesure avec son poids politique. D'où la prorogation du mandat du Parlement. Demain et les jours suivants, il remuera ciel et terre pour empêcher l'arrivée d'un maronite fort de la trempe de Hakim ou du Général à la présidence de la République libanaise. Il le fait déjà en présentant un candidat fantoche, l'épouvantail Henri Helou, et il le fera autant qu'il est nécessaire, en essayant de saboter le quorum à tout moment dès qu'il sentira que son « cauchemar » pourrait se réaliser.

6.4 Elles sont enfin dans les failles des candidatures elles-mêmes, qui ne dépendent pas forcément des candidats eux-mêmes. Si des personnalités fortes comme Camille Chamoun, Fouad Chehab et Bachir Gemayel ont été élu, c’est parce qu’ils ont réussi à réunir trois paramètres déterminants : obtenir l’adhésion des représentants de leurs communautés (chrétiennes), rassembler au-delà de leurs communautés et représenter un véritable espoir de lendemains qui chantent pour l’ensemble de la population libanaise. Certes, Samir Geagea et Michel Aoun rassemblent au-delà de leurs communautés, mais ce rassemblement est partiel. En dépit de la popularité de Samir Geagea dans la rue sunnite, le hakim de Meerab est banni de la rue chiite et druze. Malgré la popularité de Michel Aoun dans la rue chiite, le général de Rabieh est banni de la rue sunnite et druze. En comparaison, Bachir Gemayel, a réussi l’exploit, alors qu'il était chef de la milice des Forces libanaises et à l’ombre des chars israéliens, d'obtenir non seulement le soutien de toutes les communautés chrétiennes (à la fois sur le plan religieux -toutes les Eglises du Liban, notamment l'Eglise maronite- que sur le plan politique, avec l'assentiment même du Parti national libéral de Camille Chamoun, malgré la tragédie de Safra deux ans auparavant), mais aussi celui des sunnites (Saëb Salam), des chiites (Kamel el-Assaad) et des druzes (Majid Erslane). C’est d’ailleurs la raison de son assassinat trois semaines après son élection. Samir Geagea et Michel Aoun représentent un grand espoir mais uniquement pour les camps qui les soutiennent. Ce n’était pas le cas pour Bachir Gemayel. Enfin, leur talon d’Achille, handicap majeur à leur élection, reste incontestablement, cette haine fratricide que l’on retrouve dans chaque camp, pour le camp adverse.

7. Les soutiens des alliés de Samir Geagea et de Michel Aoun aux intéressés se classent en deux catégories. D’une part, on a un soutien timide, pour la forme, surtout à l'annonce de la candidature de Hakim, à travers une formulation à deux piastres. D’autre part, on a un soutien sincère et franc, qui a tardé à venir, pour la tactique, à travers une formulation politicienne. Mais que personne ne s’y trompe, Samir Geagea et Michel Aoun sont en 2e option pour le Futur et le Hezbollah. Ce qui va se passer est une tragicomédie en deux actes. Ça, c’est de la politique, le reste n’est que palabres. Dans un premier temps, on assistera au soutien officiel, déclaré ou sous-entendu, qu'importe, de Saad Hariri et de ses députés à Samir Geagea et de Hassan Nasrallah et de ses députés à Michel Aoun. Ces manœuvres ont pour objectif de maintenir les clivages traditionnels, 14 Mars vs. 8 Mars, et les alliances conventionnelles, Courant du Futur-Forces libanaises et Hezbollah-Courant patriotique libre. 

Dans un deuxième temps, on assistera à un retour à la raison de part et d’autre. Devant l’impossibilité de faire élire un de ces deux hommes forts, on passera alors à l’élection d’un des innombrables hommes commodes. Au supermarché des hommes commodes, au pays des services wou tébwiss el léhé, il y a l'embarras du choix. On pourrait retrouver du côté du Futur, Robert Ghanem par exemple, un produit commercialisé depuis un certain temps sous l'étiquette « L’opposant souple », connu par les consommateurs pour être le responsable de l’expulsion de la classe libanaise moyenne de Beyrouth à travers la libéralisation sauvage des loyers anciens. Du côté du Hezbollah, on retrouverait Emile Rahmé par exemple, l’ancien avocat de Samir Geagea, un transfuge dans les bras de la milice chiite dont le seul fait d’armes est d’avoir balancé à la tête à claques, Marcel Ghanem, le retentissant « énté wa7ad khreiyénn... (kess) ékhtak ma as2alak ». Malgré leurs incompétences, ces deux députés ont toutes les chances d’être élus présidents de la République libanaise, demain ou les prochains jours, car les deux hommes sont dociles et malléables, ce qui peut arranger tous les acteurs de l’échiquier politique libanais, à l’exception de Samir Geagea et de Michel Aoun. 

Bien entendu, il y en a d’autres prétendants moins chanceux à la présidence de la République libanaise, certains malgré eux. La liste non exhaustive regroupe Amine Gemayel, Boutros Harb, Ziad Baroud, Henri Helou, Sleiman Frangié, Jean Obeid, Riad Salamé, Bakhos Baalbaki -je répondrai favorablement si le devoir m’appelle- et pour la première fois, une femme, Nadine Moussa. A moins d’élire encore pour la 3e fois successive, le commandant de l’armée libanaise, le général Jean Kahwaji, voire de proroger pour la 2e fois successive, le mandat du général Michel Sleiman, deux options de secours, qui pourraient arranger tout le monde, à l’exception encore une fois de Samir Geagea et de Michel Aoun. Nous ne sommes donc pas sortis de l’auberge.  

Avouez que notre démocratie est en déclin. Vous vous rendez compte, on n’arrive plus à élire un homme fort et populaire comme président de la République libanaise, alors que nous avons réussi à trois reprises dans le passé. Samir Geagea vs. Michel Aoun, une confrontation électorale qui aurait pu rappeler la bataille serrée qui opposa Sleiman Frangié à Elias Sarkis en 1970, une élection qui s'est déroulée dans un climat démocratique en présence de tous les députés sans exception, le premier ne l'a emporté qu'avec une seule voix de différence. Dommage.


Post-scriptum

C'est à regretter que les députés libanais, au pays des 18 communautés, où le président de la République est impérativement maronite, ne s’inspirent pas de l’une des plus vieilles institutions démocratiques au monde : l’Eglise. Pour élire le successeur de Saint-Pierre, tous les cardinaux du monde se réunissent au Vatican, ils s’enferment à clé dans la chapelle Sixtine jusqu’à l’élection du nouveau pape par deux tiers des électeurs. Et ça marche merveilleusement bien depuis 1 950 ans. Ainsi, en quelques jours, l’affaire est réglée, assurant une sorte de "président" aux 1,2 milliard de catholiques des 197 pays de la planète. La dernière fois chez nous, dans cette jeune République de 71 ans et quelques millions d'habitants, il a fallu attendre six mois pour apercevoir la fumée blanche.

Réf.
L’élection présidentielle au Liban : une commedia dell'arte qui vire à la tragicomédie (Art.223) / Bakhos Baalbaki

Et si le 14 Mars remplaçait Samir Geagea par Michel Aoun ? Les trois options du général : la grande porte, la petite porte ou la trappe (Art.230) / Bakhos Baalbaki

vendredi 18 avril 2014

Deux exemples qui illustrent la façon dont le Hezbollah défend ses électeurs et la manière dont les autres partis lâchent les leurs (Art.221)


Faut pas rêver, un nouveau président de la République libanaise ne sera pas élu le 23 avril, ni le 31 avril non plus, ni même le 36 mai, tant que la nouvelle grille des salaires de la fonction publique n’est pas votée par le Parlement libanais. Qui a des doutes sur cette question n’a qu’à lire la dernière déclaration du député Mohammad Raad, chef du bloc parlementaire de la Fidélité à la Résistance. « Le retrait du projet des grades et des salaires (de la fonction publique) fait courir le risque de faire sauter la loi, surtout que nous rentrons en période électorale. Mais, nous ne voudrons pas devancer les choses. Il fallait ajourner la décision de quinze jours, ainsi soit-il. Nous respecterons ce délai afin que le Parlement puisse légiférer et qu’une loi appropriée soit promulguée ».

Vous pouvez constater dans ces propos, avec quel calme et quelle ténacité le Hezbollah est déterminé à défendre les intérêts de sa base, à travers toutes sortes d’offensives menées depuis deux semaines, au Parlement comme dans la rue, eh oui!, pour passer en force une nouvelle grille des salaires, d'un coût de 2 milliards $ pour un Etat libanais endetté à hauteur de 64 milliards $, quelques soient les moyens de son financement et les difficultés pour en trouver. La séance parlementaire du 23 avril apparait donc comme une ruse du vieux renard de l’Assemblée, Nabih Berri, complice du Hezbollah, pour faire comprendre au 14 Mars, que les dossiers de la présidentielle et la grille des salaires sont intimement liés et que les portes des arrangements à la libanaise sont grandes ouvertes. Si Nabih Berri camoufle ses démarches, Mohammad Raad se montre plus explicite. Il a non seulement lié les dossiers, mais il a aussi prévenu que « certaines candidatures (à la présidence de la République) pourraient entraver la tenue de l'élection, le pays ne peut plus supporter un nouveau conflit entre deux choix nationaux », une allusion on ne peut plus claire à la candidature de Samir Geagea, l’ennemi juré du Hezbollah.

Et puisqu’il en est question, un mot sur ce 14 Mars justement. Il est navrant de constater avec quelle légèreté ces pôles principaux -Futur (Saad Hariri, Premier ministrable en exil, since 2011), Kataeb (Amine Gemayel, candidat nostalgique non déclaré à la présidence de la République, since 1988), Forces Libanaises (Samir Geagea, candidat orphelin déclaré à la présidence de la République, since 2005) et indépendants type Boutros Harb (candidat hypocrite intemporel non déclaré à la présidence de la République) & Co- avec la complicité du Courant patriotique libre (Michel Aoun, candidat permanent non déclaré à la présidence de la République, since 1988), une fois n’est pas coutume, ont sacrifié leurs bases, la classe moyenne libanaise, à travers la « libéralisation sauvage des loyers anciens », le 1er avril, un projet concocté par Robert Ghanem (Futur, candidat dans ses rêves à la présidence de la République, since 1998) et le blocage de la « nouvelle grille des salaires » (acceptée par le CPL), le 15 avril.

On dit que c’est surtout la communauté chiite qui profitera des hausses des salaires dans la fonction publique, d’où l’acharnement du tandem chiite, Nasrallah-Berri, depuis l’époque du gouvernement de Najib Mikati, à imposer une nouvelle grille des salaires avant l’expiration de l’autoprorogation de l’actuel Parlement le 20 novembre. Ils avaient largement le temps dites-vous, oui mais, il fallait impérativement profiter de l’importance de l’échéance présidentielle pour tous les partis politiques libanais, notamment pour le 14 Mars, afin d’obliger ce camp à accepter cette loi, malgré le casse-tête de son financement et l'état pitoyable de nos finances publiques. Il faut croire que le Hezbollah sait qu'une communauté chiite satisfaite, ce sont autant d'électeurs dans la poche, malgré l'enlisement de la milice chiite libanaise dans le bourbier syrien. Comme il n’y avait aucune entente sur la question, entre le 14 Mars et le 8 Mars, les débats ont été ajournés de 15 jours et les députés ont décidé de constituer une commission pour réexaminer le projet de loi, à la demande du 14 Mars, à cause du souci de son financement. Certes, c'est un camouflet pour le tandem chiite, qui espérait faire passer la loi comme une lettre à la poste, malgré les inquiétudes du 14 Mars sur ce financement, il n'empêche la question n'a pas été tranchée, la loi n'étant pas acceptée, mais pas rejetée non plus. Le Hezbollah ne badine pas avec les intérêts de sa base. Il a fait en sorte que le sort de la présidentielle soit lié à celui de la grille des salaires.

On dit aussi que ce sont surtout les communautés chrétiennes et sunnites, notamment à Beyrouth, qui sont lésées par la nouvelle loi sur la libéralisation des loyers anciens. D’où le manque d’intérêt affiché par les partis chiites, Hezbollah (Hassan Nasrallah, aucune fonction publique ni dans le passé, ni au présent, ni à l'avenir!) et Amal (Nabih Berri, président du Parlement, since 1992, jusqu'en 2026, a priori, eza Allah 3ata el 3omer), et par le parti druze, Parti socialiste progressiste (Walid Joumblatt, socio-féodal, comme d'autres sont socio-démocrates, since 1977), pour ce dossier social. Les autres partis libanais ont lâché la classe moyenne libanaise au profit des banques, des grands propriétaires, des promoteurs et des investisseurs, parce que sur le plan économique, Futur, Kataeb, Forces libanaises et Courant patriotique libre, sont des partis libéraux.

Voilà pourquoi la loi de libéralisation des locations anciennes n’a rencontré aucune résistance au Parlement libanais, elle n'a connu aucun ajournement de vote, et elle n'a fait l'objet d'aucune demande de formation d'une nouvelle commission pour la réexaminer, comme pour la grille des salaires, malgré les avertissements des associations de défense des locataires anciens concernant les menaces d’expulsion de masse qu’elle fait peser sur des centaines de milliers de Libanais. Pas beaucoup de foyers résisteront à une augmentation progressive de leurs dépenses de plus de 1 000 $/mois d'ici quelques années. Et pourtant, la loi a été votée à la hâte et à l’unanimité, à l’exception du député du Hezbollah, Walid Succariyé, un « locataire ancien », avec le silence complice des médias libanais, tous contrôlés par les partis politiques approbateurs.
Le 14 Mars a oublié que sur le plan numérique, la classe moyenne dépasse largement la classe financière et que des communautés chrétiennes et sunnites insatisfaites, ce sont autant d'électeurs infidèles. Chapeau les gars !

Un survol du sprint législatif engagé depuis le 1er avril 2014 par le Parlement libanais, notamment avec ses deux grands dossiers, la nouvelle grille des salaires dans la fonction publique et la libéralisation des locations anciens, nous offre deux exemples pratiques qui illustrent merveilleusement bien la façon dont le Hezbollah défend ses électeurs et la manière dont les autres partis, toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues, lâchent les leurs. Qu’importe l'issue de la présidentielle au Liban, qui n’a aucune influence sur la vie quotidienne de la population, le « jugement dernier » des députés sortants -du 14 Mars, du 8 Mars et des soi-disant indépendants- par les « électeurs souverains », aura quand même lieu aux prochaines législatives. La nouvelle grille des salaires sera votée sans l'ombre d'un doute. Le Hezbollah aura atteint son but et ses électeurs seront ainsi satisfaits. Par contre, il n'est pas difficile d'avancer, que si Michel Sleiman ne retourne pas la loi sur la libéralisation des loyers anciens votée par le 14 Mars au Parlement, pour procéder à son abolition par les mêmes députés qui l'ont voté, les locataires anciens, sunnites et chrétiens, n’auront certainement plus que les yeux pour pleurer. Mais, soyez-en sûrs, on entendra aussi les cris et les grincements de dents des parlementaires ingrats qui les ont lâché, et qui n'ont pas su ni les représenter ni les défendre. Non mais, ce n'est pas possible d'être aussi déconnectés des préoccupations du peuple ! En tout cas, on a ce qu'on mérite dans la vie politique.

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