jeudi 1 août 2013

La réponse de l’Union européenne à Michel Aoun, via Bakhos Baalbaki (Art.166)


Général Michel Aoun,
Dawlat el-Raïss,

Bien que vous ne fussiez pas obligé de le faire, vous l’avez fait de votre propre initiative. C’est pour dire, combien vous tenez à votre allié. Vous avez quand même pris le temps, entre deux réunions de palabres, et la peine, entre deux feuilletons de Ramadan, de commenter notre décision historique du 22 juillet 2013. Wou ya reit lam takoun ! Vous ne l’avez pas fait en tant que président du Bloc du changement et de la réforme ou chef du Courant patriotique libre. Ni en tant que représentant d’un tiers du gouvernement Mikati (soit 10 ministres) ou un cinquième du Parlement libanais (soit 27 députés). C’est vous qui le dites.

Vous êtes monté au créneau, il y a quelques jours, à la suite de l’inscription de la « branche militaire du Hezbollah » -terme qui vous a fait sourire, pas nous, et pour cause, nous y reviendrons- sur la liste européenne des organisations terroristes. C’est tout à fait votre droit, personne ne vous le conteste. Mais, permettez-nous de vous préciser d’emblée que votre « lettre » comme vous dites, courte hélas, de 5 minutes 20 secondes, est si truffée d’approximations et d’erreurs d’interprétation, que nous chargeons le soussigné Bakhos Baalbaki, résident d’honneur de l’Union européenne, de vous répondre à travers cette introduction et tout ce qui en suivra. Il est autorisé à recourir à la première personne du pluriel, en notre nom. Nous sommes intimement persuadés qu’il s’en donnera à coeur joie et saura se montrer pertinent.

Bakhos Baalbaki prend donc sa mission à bras-le-corps et se lance sans plus tarder à la tâche. Vous vous considérez, Mon Général, comme « quelqu’un impressionné par la culture occidentale ». A écouter le reste de votre intervention, on a de sérieux doute qu’il en soit ainsi. Sans nous perdre dans 1001 détails, ce qui caractérise l’Occident, entre autres, sans aller dans le fond qui nécessiterait plusieurs articles, c’est la logique et la précision, deux points qui vous ont manqué cruellement l’autre jour. Nous étions surpris d’apprendre que vous auriez espéré que « les pays de l’Union européenne n’accusent pas la Résistance (auto-désignation du Hezbollah) de terrorisme, en se basant sur des accusations mensongères ». Ah bon, vous croyez réellement que nous nous sommes basés sur des accusations mensongères ?

Tayeb, commençons par le b.a.-ba ! Avant de vous adresser à l’Union européenne, vous auriez dû, mon cher Michel Aoun, faire deux choses fondamentales. D’abord, ouvrir n’importe quel dictionnaire de langue. Vous auriez compris que le « terrorisme » s’applique parfaitement au Hezbollah car ce terme désigne tout « recours à la violence dans un but politique ». Les exemples ne manquent pas, ni au Liban, ni à l’étranger. Faut-il vraiment vous rappeler que quatre membres de cette organisation sont sommés de comparaitre devant la plus haute juridiction internationale, le Tribunal Spécial pour le Liban, pour l’assassinat de votre ancien Premier ministre, Rafic Hariri, et de 21 autres personnes, et que le gouvernement dont vous faites partie, à hauteur du tiers, est censé les arrêter, mais s’en fout en réalité comme de l’an quarante ? Je ne crois pas.

Ensuite, et c’est une évidence, vous auriez dû s’enquérir de la raison de notre démarche, car vous auriez appris qu’elle n’a absolument rien à voir avec un quelconque attentat en « Argentine », un pays qui se situe, vous devez le savoir, sur le continent américain, mais est en rapport avec ce qui s’est passé sur le sol du continent européen au mois de juillet 2012, à Chypre et en Bulgarie précisément. Pour étayer vos dires, vous vous basez sur une vague déclaration du ministre bulgare des Affaires étrangères, qui ne blanchit absolument pas le parti libanais, en omettant de préciser que l’enquête en cours concernant l’explosion d’un bus à Bourgas en Bulgarie, qui transportait des touristes israéliens et qui a fait six morts et trente blessés, est bien avancée et a déjà permis d’identifier deux suspects libanais détenteurs de passeports canadien et australien, et un financement de l'opération qui conduit vers le Hezbollah ! Vous auriez appris par ailleurs, si vous vous êtes donné un peu plus de peine, que notre décision s’appuie aussi sur les préparatifs d’attentat que projetait réaliser un autre membre du Hezbollah à Chypre, un Libanais détenteur d’un passeport suédois, qui lui, purge sa peine depuis le printemps dernier, après avoir été condamné à 4 ans de prison ferme.

De tout cela, vous, Michel Aoun, vous n’en avez cure. Vous prétendez dans un premier temps que la décision européenne est « en contradiction avec la charte des Nations Unies et le droit des peuples de libérer leurs terres ». Vous partez ensuite dans une longue tirade sur l’importance des armes du Hezbollah pour faire face aux agressions israéliennes sur le Liban. Mais bordel, en quoi cela concerne l’Union européenne ? Depuis quand un attentat et des préparatifs d’attentat contre des civils, font partie de la charte des Nations Unies ? Et pourquoi diable, la libération des fermes de Chebaa -que votre allié ne se se donne même plus la peine d’évoquer depuis l’an 2000, très occupé sans doute à Beyrouth depuis 2005, à Damas depuis 2011, à Qusayr et à Homs depuis 2013- doit passer par deux pays européens, la Bulgarie et Chypre ? Le délire !

Et dans le délire, vous allez encore plus loin. Vous dites avec beaucoup de prétention et d’arrogance, malgré une humilité de façade et de pacotille, « je souhaite en tant que simple citoyen libanais m’adresser à l’esprit européen, et lui rappeler un peu ses valeurs, espérant que mes mots pourraient l’influencer ». Mais, qu’est-ce que vous en savez de l’esprit européen et des valeurs de l’Europe ? Que dalle, malgré les quinze années passées sur notre sol. Vous ne manquez pas de culot en rajoutant, « Quand les pays de l’Union européenne violent la charte des Nations Unies et le droit des peuples de libérer leurs territoires occupés par tous les moyens disponibles, et quand ils méprisent les peuples qui défendent leur liberté et leur souveraineté, ils méprisent donc leurs valeurs et leurs principes ». Vous êtes complètement à côté de la plaque mon pauvre général ! Mais dites-moi, pourquoi devons-nous accepter que la souveraineté continentale de 508 millions de personnes, soit violée, ne serait-ce que deux fois ? Hein, pourquoi, donnez-nous une seule raison valable ? Peut-être parce que la vôtre, l’est tous les jours de l’année et depuis des lustres ? Cela fait aussi partie de la charte des Nations Unies ? Pathétique.

Wou 3lawwé, law n2adit honn ! Vous concluez votre ridicule lettre sans vergogne : « Ah, vous feriez mieux de regarder les conséquences désastreuses sur le Liban, des guerres de certains de vos pays (de l’Union européenne) en Syrie, que l’ensemble des pays de l’Union réunis devraient assumer. » Wlak mich maa2oul ya général, sarlé khamsaw3echrinn séné bé7éwil 7ebbak, bass ma 3am tkhallilé majél ! Kel ma n2arrib chouei, bténkessa. Les « conséquences désastreuses sur le Liban », il faut les chercher du côté de votre allié régional, le dernier tyran des Assad qui a mis la Syrie à feu et à sang, au lieu d’aller se la couler douce aux Bahamas, pour que la minorité alaouite (10% de la population) puisse continuer à écraser la majorité sunnite (70% de la population), au prix de 100 000 morts, 4 millions de déplacés en Syrie et 1 million de réfugiés au Liban, et du côté de votre allié local, la milice du Hezbollah, qui s’est engagée massivement aux côtés du régime alaouite, au prix d’une déstabilisation sans précédent du Liban et d’une désertification touristique que le pays du Cèdre n’a jamais connu en 38 ans de guerre civile ! Wallah el3azim rawéyé.

Il est trop facile de déplacer les problèmes et bien commode d’accuser les autres d’être responsables de ses propres maux. Le Hezbollah s’est mis tout seul dans un sacré merdier. Que ça soit dans l’assassinat de Rafic Hariri en 2005 (accusation du Tribunal Spécial pour le Liban) ou dans sa participation à la guerre civile syrienne aux côtés de Bachar el-Assad en 2013 (avec plus de 4 000 miliciens engagés; il compte déjà plusieurs centaines de morts dans ses rangs). Personne n’est à blâmer à part les dirigeants de ce mouvement. C’est donc à votre allié tout seul, d'abandonner « sa branche armée », terme qui vous a fait sourire, de décider de renoncer au terrorisme, ce recours à la violence dans un but politique, et de respecter le jeu démocratique au Liban, en se consacrant uniquement à la politique intra-muros.

Vous aussi, Michel Aoun, vous vous êtes mis tout seul dans un sacré merdier. Vos appels solennels à la population libanaise pour la formation d'un « front national » n’y changeront rien. Chercher à vous placer « seul contre tous », comme l’extrême droite en Europe d’ailleurs, seul à même de lutter contre le démantèlement de l’Etat libanais, la corruption, les prorogations, la violation de la Constitution, et j’en passe, n’est que de la poudre aux yeux. Votre lettre à l’Union européenne illustre merveilleusement bien, dans quel pétrin vous vous êtes mis, général Michel Aoun, ainsi que les partisans du Courant patriotique libre et une partie des chrétiens du Liban, en signant ce pacs ahurissant et invraisemblable avec Hassan Nasrallah, le 6 février 2006 : vous êtes réduits à défendre l’indéfendable, une organisation considérée comme terroriste par pratiquement tous les pays arabes et occidentaux ! Souvenez-vous Général de ce que l’on nous enseignait au catéchisme, si mes souvenirs sont bons : el énsénn moukhaïyar wa laïsa moussaïyar. Quoique...

Qui veut vraiment lutter contre le démantèlement de l’Etat libanais et se soucie de sa Constitution ou de son armée, ne signe pas un pacs avec une milice qui sape systématiquement ce qui reste de cet Etat. On voit bien où vous et votre allié, le Hezbollah, vous souhaitez placer le Liban. Vous doutez non seulement de l'Organisation des Nations Unies et de ses institutions, comme le Tribunal Spécial pour le Liban, de l'Union européenne, des pays du Golfe et des Etats-Unis, mais aussi des Forces libanaises de sécurité intérieure et surtout de l’armée libanaise elle-même, dont c’est la fête aujourd’hui ! Un comble de la part d’un ancien commandant de cette armée. Voilà pourquoi vous, les deux pacsés de Mar Mikhael, vous refusez de remette l’arsenal de la dernière milice libanaise encore en activité, à l’armée nationale, car vous n’avez aucune confiance dans l’institution militaire que vous prétendez soutenir. Des paroles de soutien à l’armée libanaise, l'institution militaire en a autant qu’elle veut, mais quand on arrive aux actes, à prouver qui est sincèrement avec cette armée, c’est-à-dire qui la soutient sans condition, on retrouve les mêmes, et vous manquez toujours à l’appel ! Ma3lé, sma7elna fiya.

Le projet de cette milice théocratique inféodée à un Etat théocratique, avec laquelle vous êtes allié et que vous défendez systématiquement, est clair et n'a pas changé d'un iota : isoler le Liban de son environnement arabe et occidental, pour le lier à deux dictatures, qui sont pourtant condamnées par l'Histoire à disparaitre -le régime du dernier tyran des Assad en Syrie et le régime des mollahs en Iran- et saper ce qui reste de l’Etat libanais. Aujourd’hui, le peuple libanais doit se poser deux questions, pas trois, la suite des événements en dépendra:
1. Est-ce que le Liban est un Etat normal qui ne partage pas sa souveraineté, ou est-il un Etat bizarre contrôlé par un parti théocratique comme en Iran et par des groupes armés comme en Somalie ?
2. Est-ce que le Liban fait partie du concert des nations, qui comprend les pays arabes et occidentaux, ou est-il membre d’un club qui compte quelques pays au ban des nations, comme la Syrie et l’Iran?

Au total, vous nous avez bien fait rire avec vos leçons d’histoire et votre dissertation sur les principes ! Justement à défaut de principes, vous ne manquez pas de culot. Sachez que les deux questions précédentes constituent des principes généraux pour bâtir un Etat digne de ce nom. Si vous avez choisi depuis longtemps de les zapper, ayez l’honnêteté de laisser aux Libanais le choix d’y répondre et d’en décider.

Nous restons à votre disposition pour toute demande d’information complémentaire à ce sujet, et également ouvert à toute demande d’exil si nécessaire, car l’une comme l’autre, fait partie de nos valeurs et de nos principes ! Vous êtes bien placé pour le savoir. Sans l’aide de l’Europe, vous auriez été « prisonnier politique » à Yarzé, avec comme voisin de cellule, votre cauchemar, Samir Geagea. Remarquez, cela vous aurait peut-être aider à mûrir davantage sur le plan politique, surtout en sa compagnie, que d'être dans notre exil doré en Europe.

Sincèrement, Bakhos Baalbaki, auto-mandaté par l’Union européenne, de répondre au général Michel Aoun, en toute liberté et avec un chouia de sarcasme.


Réf.