vendredi 11 janvier 2013

Réponse à l'article « déplacé » de Fares Khachan: « Même Hakim peut se tromper » (Art.99)


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Monsieur Khachan,
Cher Fares,

Je n'aime pas les polémiques. Et pourtant, c'est un passage obligé parfois, souvent même en politique, notamment au Liban. Vous en connaissez quelque chose. J'ai lu votre dernier article avec beaucoup d'intérêt, comme la douzaine d'autres que je lis tous les jours. Vous n'allez pas me croire, c'est seulement votre dernière phrase qui m'a vraiment décidé à vous répondre. Et puisqu'on y est, permettez-moi de m'étaler un peu. Et avant de le faire, commençons par l'humour pour adoucir les humeurs. Les discussions actuelles sur le « vote intracommunautaire » me rappelle drôlement une petite nouvelle hilarante d'un écrivain italien, dont j'ai oublié le nom, où des policiers engagés dans une course-poursuite derrière un voleur, emportés par l’enthousiasme de l’effort physique, finissent par le dépasser, oubliant ce dont pourquoi ils étaient sortis en mission !

Rappelons tout de même, la démocratie se fonde sur la souveraineté des citoyens élisant librement leurs représentants et l'acceptation par le peuple de ce que décident ses représentants. Toute violation de cette équation signifie que nous ne sommes plus en démocratie. Dans une dictature, une ferme, un salon de thé, à Baawerta, n'importe où sauf dans une démocratie. Que l'on soit dans une démocratie à la libanaise, à la zimbabwéenne ou à l'américaine, c'est ce même principe que l'on doit retrouver dans toute démocratie digne de ce nom. Actuellement, ce n'est pas le cas au Liban en dépit des grosses pilules schizophréniques que certains, comme vous, voudraient nous faire avaler, ça ne passe pas. Le vote en bloc des électeurs de chaque communauté libanaise pour les candidats de leur communauté et uniquement pour ceux qui sont alliés avec leur communauté, bonjour la démocratie et l'ouverture d'esprit!, avec toutes les conséquences qui en découlent, violent le fondement même de la démocratie. C'est indiscutablement ce qu'il y a de plus grave dans toute cette histoire.

Tout le monde connait les liens qui lient Fares Khachan à la famille Hariri, père et fils. Donc il n'était point étonnant de vous retrouver contre le projet de loi sur le vote intracommunautaire. Ce qui l'était, ce sont vos arguments ! Il faut tout de même préciser, ce que vous avez omis volontairement de dire, le consensus des partis chrétiens avant de mécontenter toute la communauté sunnite comme vous le sous-entendez, déplait surtout au principal parti sunnite, le courant du Futur, qui est profondément contre ce projet mais espère encore que ce dernier tombera à l’eau comme ce fut le cas il y a quelque mois, et qu’il n’aura pas à le combattre publiquement. Le dilemme du Futur est grand : accepter ce projet de loi qui pourrait lui faire perdre sa domination sur la communauté sunnite à cause de la proportionnelle -au profit d'autres courants politiques, salafistes compris, à Tripoli, dans le Akkar, à Beyrouth et même dans la ville natale de Saad Hariri à Saïda, surtout après le petit succès des derniers mois du cheikh Ahmad al-Assir qui profite pleinement du blackout médiatique depuis 2 ans du chef de l'opposition - et le droit de regard actuel du Futur sur les candidatures des autres communautés, mais qui permet une meilleure représentation des communautés chrétiennes, ou refuser ce projet au risque de s’aliéner ses dernières ?

في 14 آذار، المستقلون يتمتعون بحيثية معنوية كبيرة. هؤلاء ساءهم سلوك الأحزاب المسيحية عموما وجعجع تحديدا. بالنسبة لهم، السير بالقانون الأرثوذكسي، يؤكد مخاوفهم من أدلة تظهر ، تباعا، لمحاولة تهميشهم، وفي أحسن الأحوال، لاستتباعهم

Vrai et faux. Mais c'est curieux qu'un journaliste comme vous, Fares Khachan !, n'accorde que peu d'importance à la raison d'être du vote intracommunautaire: 1 député chrétien sur 3 est choisi par le quartet Hariri-Joumblatt-Berri-Nasrallah! Indépendants ou pas, vous ne trouvez pas qu'il serait peut être utile aussi de penser aux électeurs chrétiens de Beyrouth, de Baabda, d'Aley, du Chouf, de Marjeyoun, de Rachaya, de Baalbeck, du Akkar, de Tripoli et de Jbeil, qui se sentent eux aussi, à juste raison, marginalisés puisque leurs voix n'y changent rien, souvent, qu'ils s'expriment ou qu'ils ne s'expriment pas, le quartet décide pour eux ! Pourquoi tant de malhonnêteté alors que tout le monde sait qui est à l'origine de la tiédeur du 14 Mars, et c'est sûrement pas du côté de Samir Geagea et de Samy Gemayel qu'il faut la chercher ! Ma3lé...

بعد موافقته على مشروع اللقاء الأرثوذكسي، سواء أصبح هذا المشروع قانونا أم لا، لن يعود جعجع إلى الحجم الوطني الذي كان عليه
 
Intéressante analyse. Mais je vais m'autoriser à rappeler quelques évidences, pas à la communauté sunnite -car celle-ci se souvient très bien de ce que je dirai, je n'en ai pas le moindre doute et sa reconnaissance est grande, j'en suis sûr- mais à Fares Khachan himself !

Les leaders chrétiens de ces partis «  traitres  » du 14 Mars (allons-y, il n'y a plus qu'à sortir le mot!), Samir Geagea, mais aussi les Gemayel père et fils, en ex-æquo avec Saad Hariri, sans exagération aucune, sont sans doute les leaders qui ont le plus parlé de Rafic Hariri, la plus illustre figure du sunnisme libanais. Ils sont ceux qui ont le plus défendu le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL), la plus importante cause du sunnisme libanais. L'instinct primaire de Samir Geagea pouvait le conduire à rendre ce grand leader sunnite, pour toutes les raisons que nous connaissons, comme coresponsable de sa détention politique et de la marginalisation des communautés chrétiennes entre 1990 et 2005 ! Niet. En plus, malgré le fait que le nom Bachir Gemayel n'ait jamais été prononcé par les leaders musulmans, qu'ils soient sunnites ou chiites, qu'importe la raison, alors que le jeune président chrétien reste 30 ans après sa mort, le plus grand martyr des communautés chrétiennes, Samir Geagea n'a jamais manqué de parler du martyr de Rafic Hariri durant la messe annuelle des martyrs des Forces libanaises. 

Depuis 7 ans, Hakim est aux côtés de son fils, cheikh Saad, l'héritier du sunnisme libanais, contre vent et marrées, quand d'autres alliés aussi fiables que friables, ont poignardé l'ex-Premier ministre dans le dos, à la première occasion opportuniste, remettant les rênes du pouvoir à la milice du Hezbollah qui a, au passage M. Khachan, 4 membres en fuite recherchés par le TSL dans l'assassinat du père, Rafic Hariri
. Comme j'aurais bien aimé lire un article de la même teneur à l'adresse de la girouette de Moukhtara le 12 janvier 2011 ! Yalla, bassita. 


Sans Samir Geagea, et les Gemayel aussi, Saad Hariri se serait senti seul, bien seul, sur la scène politique libanaise depuis l'assassinat de son père! J'avoue je ne comprends pas comment vous qui êtes forcés à s'exiler pour sauver votre peau, vous pouvez oublier un instant que la vie de ces deux personnalités chrétiennes, Samir Geagea et Samy Gemayel, est sérieusement menacée (on a même tenté de liquider le premier), à cause des idées qu'elles défendent et de leur positionnement au cœur même du 14 Mars avec le leader sunnite Saad Hariri ! Depuis 2 ans, et contrairement à beaucoup de leaders libanais -notamment celui qui aide activement le régime alaouite à réprimer la population sunnite (le Hezbollah au cas où ce n'était pas clair) et un autre qui n'a pas lâché le régime alaouite que lorsque le compteur des morts en Syrie est passé à 5 chiffres (Walid Joumblatt au cas où vous aviez un doute)- le chef des FL soutient le peuple syrien, une cause chère pour les sunnites libanais, dans ses revendications légitimes depuis le jour J de la révolution syrienne. Comment pouvez-vous oublier Fares Khachan, que contrairement à beaucoup de monde, Samir Geagea a été toute sa vie durant, contre la tyrannie des Assad, père et fils ? Mais enfin, passons, tout cela ce sont des histoires anciennes.

Le petit détail qui vous a échappé et qui mérite plus l'attention de nos lecteurs, c'est que vous oubliez un peu vite que les relations entre les communautés dans une nation notamment en politique sont comme dans un couple : on doit retrouver écoute, échange, respect et compréhension. A défaut, crise. A crise insoluble, divorce. En plus, les autoroutes de la communication sont toujours à double sens. Je comprends que l’adoption par les chrétiens du 14 Mars, les Forces libanaises et les Kataeb, du vote intracommunautaire puisse décevoir certains alliés sunnites à première vue. Mais je ne comprends pas, pourquoi ça serait à sens unique ? Pourquoi les déçus, ne peuvent pas aussi comprendre qu’il n’est pas normal dans une démocratie, que 1 député chrétien sur 3 soit choisi par un quartet musulman, pas dans l'autre sens, et que dans les meilleurs des projets proposés pour l'instant à part le vote intracommunautaire, une dizaine de députés chrétiens seront toujours choisis par le quartet, et encore, pas dans l’autre sens ! Ce n'est pas la peine de se perdre dans les détails et les slogans creux. On peut mentir aux autres mais jamais à soi-même ! Vous savez bien plus que moi que tout le problème du Liban réside dans l'esprit communautaire qui touche toutes les communautés libanaises, sans exception, et le vote en bloc des communautés libanaises que l'on constate à chaque élection, n'est qu'une des manifestations de ce mal qui ronge la société libanaise. C'est lui qui est à l'origine du projet de loi que vous décriez tant.

وليد جنبلاط كان يحمل مشروع " الوحدة الإسلامية" لـ"حماية لبنان". وحدة كان من شأنها أن تجد أرضية مشتركة بين الحريري و"حزب الله" على حساب المسيحيين. قبل وليد جنبلاط، أتى النائب محمد رعد الى قريطم، على رأس وفد من "حزب الله" وحمل الى سعد الحريري مشروعا: أعطنا مشروعية حمل السلاح، وخذ مشروعية إدارة السياسة. رفض سعد الحريري. وثمة اعتقاد بأن رفض هذا التوجه ، على حساب المسيحيين في لبنان عموما ومسيحيي 14 آذار خصوصا، كان القطبة المخفية التي أفشلت ما سمي بالـ"سين.سين".

La meilleure ! Je suis désolé Fares Khachan, mais là, vous avez tout faux. Il était question des armes ? Lol ! Accord qui devait se faire au détriment des chrétiens ? Vous plaisantez ! Saad Hariri a refusé les projets de Walid Joumblatt et du Hezbollah, essentiellement parce que ces derniers cherchaient avant tout une contrepartie à « l'union islamique et la préservation du Liban des troubles confessionnels entre les sunnites et les chiites », l'abandon du Tribunal Spécial pour le Liban, qui faut-il le rappeler, jugera les assassins de son père, l'ex-Premier ministre du Liban, Rafic Hariri !

مع هذا القانون، سيعود العد الطائفي الذي أوقفه اتفاق الطائف، وسيقلب الشكوى من مكان الى آخر. المسيحيون الذين يشكون اليوم من سوء التمثيل، سيجدون المسلمين يفعلون ذلك. من يعتبر اليوم أن نصف النواب لا يأتون كلهم بأصوات المسيحيين، سيجد أمامه، طالما أن الطائفية هي الموجه، من يشكو أن ربع اللبنانيين يتمثلون بنصف عدد النواب، في حين أن ثلثي اللبنانيين يتمثلون بالنصف الآخر

Je trouve navrant, au plus haut degré, d'en arriver. Désolé M. Khachan, cet épouvantail ne marche pas. Bien sûr, dans une démocratie, aucun sujet n'est tabou. Les Libanais de confession musulmane peuvent très bien remettre en cause l'égalité parlementaire et administrative au Liban, fixée par l'accord de Taëf. Cela suppose, et vous devez le savoir, une alliance opportuniste, entre les sunnites, les chiites et les druzes, contre les chrétiens, une perspective inenvisageable, même sur le plan théorique. Tout le monde connait les raisons. De plus, tous les Libanais savent qu'une telle réclamation équivaut à l'ouverture de la boîte de Pandore, qui pourrait réveiller les vieux projets démentiels sur le « fédéralisme » et la « partition », et même pire, des projets qui pourraient nous ramener tous vers la « guerre civile »! En dépit de l'effort de certains, comme vous, à dramatiser la situation, le « vote intracommunautaire » est innocent de tout cela, puisqu'il est à durée d'utilisation optimale, voire à usage unique ! Kamén ma3lé...

Par ailleurs, je ne comprend pas qu'un homme comme vous revient sur ce vieux sujet de comptage. Non M. Khachan, les chrétiens du Liban ne représente pas le quart de la population libanais ! Je ne sais pas où vous êtes allés chercher ce chiffre, mais croyez-moi il n'est pas bon. Rappelons que le dernier recensement de la population au Liban date de 1932. Depuis, on n'ose pas y penser. Durant les années de discorde, les musulmans réclamaient un rééquilibrage des pouvoirs puisqu'ils étaient devenus majoritaires. Avec l'accord de Taëf en 1989, c'est chose faite, au prix d'un dépouillement du poste présidentiel de toutes ses prérogatives. Les chrétiens eux demandaient de prendre en compte l'immigration massive des communautés chrétiennes, depuis les massacres de 1860, et réclamaient, en vain pour l'instant, la facilitation de l'acquisition de la nationalité libanaise par les descendants de ces immigrés; et là, ce sont les chrétiens qui deviendraient  majoritaires; c'est bien la raison pourquoi cette revendication n'a jamais été acceptée par les musulmans. Tous les chiffres avancés aujourd'hui sont des estimations et même en se basant sur les listes électorales du ministère de l'Intérieur, qui ne prennent en compte que les Libanais de plus de 21 ans, les électeurs chrétiens étaient plus de 43% en 2000, près de 37% en 2009. C'est sans parler aussi de la distribution de la nationalité libanaise à des résidents musulmans durant les années de terreur (1990-2005) afin de pouvoir influencer les élections dans le sens souhaité par la tyrannie des Assad. Ainsi, 200 000 musulmans ont été naturalisés en 1994 (soit 5 % de la population libanaise ou 6 % des électeurs libanais). A ce stade, deux comprimés de Panadol sont nécessaires pour continuer mais je préfère arrêter les dégâts.

أحيانا، يخطئ الحكيم ويتخطى الخيط الرفيع الذي يفصله عن ...ذاك المجنون
 
Évidemment. Et même Fares Khachan peut se tromper ! Notamment en écrivant un article injuste et déplacé. Traiter les adversaires de « fous », n'aide pas à relever le niveau du débat politique. Toute cette propagande de dramatisation n’a pas raison d’être. Les beaux discours sont très jolis en théorie, mais la réalité nous rattrape et elle est amère. Ce défaut démocratique de la représentation chrétienne doit être corrigé. Elle est là la première urgence. Qui rejette le « vote intracommunautaire » doit proposer une alternative qui corrige complétement, et non en partie, le défaut démocratique chronique dont sont victimes les communautés chrétiennes au Liban.


L’autre urgence c’est d’entamer illico presto dès la prochaine législature, et Fares Khachan pourrait ainsi transmettre le dossier au chef de l'opposition du 14 Mars, Saad Hariri, des réformes pour déconfessionnaliser les esprits des Libanais, comme la séparation de la religion du Code civil, ce que Bakhos Baalbaki réclame, ou l'interdiction de tout parti politique qui se base sur la religion, comme le réclame Sayyed Ali el-Amine. Sans vouloir vider les mosquées et les églises de leurs fidèles, on peut déjà commencer par placer « mariage, divorce et héritage » loin des soutanes, pour espérer un jour, lointain, parvenir à la « citoyenneté libanaise ». Enfin, dites-moi Fares Khachan, qui de ceux qui s'indignent aujourd'hui du vote intracommunautaire oserait intégrer de telles propositions dans son programme électoral ? C'est le test de vérité.

Réf. 

«Même Hakim peut se tromper » par Fares Khachan (Youkal.net 10 janvier 2013)

Le « vote intracommunautaire » : qui veut dynamiter le consensus entre les partis chrétiens ? (Art.98) par Bakhos Baalbaki (9 janvier 2013)

Quelle loi électorale pour le Liban ? Le vote intracommunautaire et Abou Nouwéss ! (Art.78) par Bakhos Baalbaki (7 octobre 2012)