mardi 23 octobre 2012

Dix réflexions après les obsèques du général Wissam el-Hassan (Art.81)



1. Alors que le 8 Mars était en black-out le jour de l’assassinat du chef des services de renseignements des Forces de sécurité intérieure (FSI) le 19 octobre, on a cru pendant un laps de temps que c’était par la décence des circonstances. Hélas, on a vite déchanté. Pour Al-Manar la chaine du Hezbollah, « les forces du 14 Mars ont exploité jusqu’au dernier souffle les funérailles du chef des services de renseignements des FSI... Le défunt était encore en train d’être inhumé à la mosquée Mohammad al-Amine, au moment où les partisans du Futur, des Forces libanaises de Samir Geagea et de certains groupes salafistes ont reçu l’ordre de prendre d’assaut le Sérail. » Même son de cloche du côté de Michel Aoun qui a dénoncé « une exploitation du martyr du général el-Hassan à des fins politiques ». Il l’a même considéré comme « le martyr de tout le Liban », feignant d’oublier qu’il n’y pas si longtemps déjà il avait prévenu le chef des renseignements : « on ne touche pas à la haute tension en restant en vie... qui touche à la haute tension risque d’être carbonisé ». Pas de bol, internet a une mémoire ! Personne n’est dupe des manœuvres 8 marsiennes. Il est clair qu’Aoun et le Hezbollah auraient préféré que les forces du 14 Mars enterrent un des leurs en catimini, sans doute pour éviter au peuple libanais de prendre conscience de quatre éléments inquiétants qui ressortent de cet acte criminel : la reprise des assassinats politiques des personnalités du 14 Mars la veille des élections législatives, la remise en question de la sécurité de l’aéroport de Beyrouth, le contrôle des télécommunications au Liban et la certitude de la participation d’éléments libanais à cet assassinat.

2. Les médias du 8 Mars, du Hezbollah et de Michel Aoun, se sont offusqués par ailleurs, des routes coupées le weekend funeste, de l’apparition durant la journée des obsèques de drapeaux syrien et islamiste, de l’attaque des barrages qui protègent le Sérail et des accrochages armés à Beyrouth et à Tripoli. As-Safir annonce d'ores et déjà un « suicide politique pour l’opposition ». Al-Akhbar a le culot de parler de « coup d’Etat raté » ! Et bien, disons qu'il est parfois très difficile de camoufler la mauvaise foi ! Celle-ci a quelque chose d’extraordinaire c’est qu’elle ne résiste jamais longtemps à l’examen des faits. Certes, nous devons dénoncer le mélange des genres (la pagaille des drapeaux partisans et les drapeaux intrus... il y avait même un drapeau brésilien !) et les violations de la loi (les routes coupées, l’attaque du Sérail, les accrochages armés...). Toutefois, il ne peut échapper aux saintes nitouches du 8 Mars que les incidents cités sont des éléments secondaires (noyés dans la douleur et la rage d’une grande partie des libanais à l’assassinat d’un patriote et dans la masse pacifique des drapeaux du Liban et des partis politiques libanais), spontanés (non prévus par le 14 Mars), contrôlés (malgré tout, puisque tout rentre dans l’ordre progressivement) et limités (ils ne concernent qu'une centaine de personne selon le 8 Mars lui-même!). Dans toute manifestation, surtout après un assassinat, même dans les pays démocratiques occidentaux, il y a des débordements. Ils ne sont que des DETAILS de l’histoire qui s’écrit. Le seul élément particulièrement grave, quel que soit son importance, reste l’accrochage armé, qui nous rappelle une fois de plus la nécessité de dissoudre et de désarmer toutes les milices et groupes armés au Liban (Hezbollah, salafistes, palestiniens...).

3. Tout cela n’aurait pas été grave si cette mauvaise foi ne s’est pas fixée un but particulièrement méprisable par sa bassesse : celui de faire diversion alors qu’il y a mort d’homme ! Les détails, aussi répréhensibles qu'ils soient, ne doivent jamais faire oublier l'ESSENTIEL. Le 21 octobre des milliers de libanais sont venus place des Martyrs, essentiellement pour rendre un dernier hommage lors de funérailles nationales à un haut fonctionnaire de l'Etat libanais, le général Wissam el-Hassan, assassiné de la manière la plus lâche et la plus odieuse, avec préméditation et dans des conditions abominables, parce qu'il est proche du 14 Mars et du Courant du Futur, et parce qu'il enquête sur des dossiers sensibles impliquant le Hezbollah et la Syrie ! Tout le reste n’est qu’un bordel de foutaises.

4. Le seul point de ce « détail » qui mérite un commentaire c’est sans doute l’appel du journaliste Nadim Koteich : « Falyaskot  Nagib Mikati... Ya chabeb wo ya sabaya, yalla yalla 3al saraya... Sayaskot Nagib Mikati el yaom... 3al saraya ». On ne peut qu'être contre toute forme de violence, quelle que soit sa nature, son expression et ses motivations. De l’ignoble humour sur May Chidiac à l’assassinat odieux de Wissam el-Hassan. La violence est d’autant plus condamnable qu’elle transgresse la loi ! Oui, Nadim Koteich a été "impulsif" et s'est laissé emporter par son émotion. Oui, ses propos peuvent être considérés "irréfléchis" et prêtent à confusion. Il n’empêche que la gravité de ses propos est proportionnelle à la gravité de la situation ! Pour la énième fois depuis novembre 2004, une personnalité du 14 Mars est visée à cause de son appartenance politique. Il faut peut-être s’en souvenir de temps à autre. Devant l’abjection de certaines propagandes du 8 Mars, c’est à se demander si ce camp en a cure !

5. Cheikh Mohammad Rachid Kabbani, le mufti de la République, a entièrement raison, comme naguère le patriarche Mar Nasrallah Boutros Sfeir (à propos de la volonté du 14 Mars d’expulser par la force Emile Lahoud du palais de Baabda entre 2005 et 2008), les institutions libanaises représentées par les hommes politiques ne doivent pas tombées sous la vindicte populaire ! Pas parce que ces derniers ne le méritent pas, mais tout simplement par respect de la Constitution libanais et parce que les clivages communautaire et clanique au Liban ne le permettront pas. Une crise ado-anarchiste n’est dans l’intérêt de personne. La seule fois où cela a eu lieu, en 1958, des « émeutes musulmanes » ont voulu destituer le président chrétien de la République, Camille Chamoun, une crise de pouvoir sans précédent a conduit à des ingérences étrangères (syrienne, égyptienne et américaine) et s’est soldée par une brève guerre civile.

6. L’occupation pacifique de la place des Martyrs aujourd’hui par le 14 Mars a peu de chance de conduire à la chute du gouvernement Mikati. Alors que la Syrie est enlisée dans une longue tragédie sans fin, tout mouvement contre la « légalité libanaise » n’a aucune chance d’obtenir le moindre soutien des pays arabes et occidentaux. D’ailleurs les principaux concernés n’ont pas tardé à le faire savoir.

7. Vouloir refaire des remakes du « 28 février 2005 » (où la pression politique a abouti à la démission du gouvernement Omar Karamé qui s’est rétracté définitivement le 13 avril 2005 pour céder la place, justement, à Nagib Mikati) et du « 14 mars 2005 » (où la pression populaire a conduit au retrait des troupes syriennes du Liban le 26 avril 2005) sera très difficile car tous les paramètres, absolument tous, sont différents. De la personnalité de Rafic Hariri (le plus grand leader libanais sunnite de l’histoire du Liban), à la détermination des communautés sunnite, chrétienne et druze et à la prédisposition favorable de la communauté internationale... sans oublier un élément capital, l’armée syrienne était une force d’occupation étrangère rejetée par la majorité des communautés libanaises (mise à part la communauté chiite) alors que le Hezbollah est une milice libanaise qui bénéficie du soutien massif de la communauté chiite libanaise, de la communauté druze de Walid Joumblatt et d’une partie de la communauté chrétienne de Michel Aoun.

8. Il n’est pas inutile de rappeler que le Hezbollah, avec la participation du Courant patriotique libre, a mis tout son poids pour faire tomber le gouvernement Siniora, entre 2005 et 2008, en vain. La milice chiite est allée jusqu’à installer un campement dans le centre-ville de Beyrouth et des centaines de tentes ont été dressées aux pieds du Sérail, pendant 18 mois (déc. 2006 - mai 2008), sans y parvenir. En parallèle, Nabih Berri a même fermé le Parlement libanais durant cette longue période. Mais rien, absolument rien, n’a eu raison du gouvernement Siniora à l’exception des armes miliciennes du Hezbollah qui ont fait régner la terreur à Beyrouth et dans le Mont-Liban durant le fameux « jour glorieux des jours la Résistance au Liban » (propos de Hassan Nasrallah lors du 1e anniversaire du 7 mai 2008). Comment le 14 Mars peut-il espérer réussir là où le 8 Mars a échoué à faire tomber un gouvernement pacifiquement malgré tous les moyens déployés ?

9. La pression du 14 Mars pour faire tomber le gouvernement Mikati arrive tardivement et n’a aucune chance d’aboutir sauf si le 14 Mars s’attaque à la source du problème ! Et la source du problème du gouvernement Mikati, c’est justement Walid Joumblatt. Seul le Bek a permis au Hezbollah de réussir son coup d’Etat le 12 janvier 2011 (par opportunisme, les armes n’y étaient pour rien) et seul le Bek permet au gouvernement Mikati de rester au pouvoir jusqu’aux prochaines élections législatives. Si le 14 Mars souhaite vraiment faire tomber le gouvernement Mikati, il doit sommer Walid Joumblatt à choisir son camp et à couper les ponts avec le Hezbollah !

10. Se lancer dans une procédure hasardeuse pour la démission d’un gouvernement à 7 mois d’une échéance électorale n’a aucun sens dans une démocratie, même mafieuse. C’est une perte d’énergie. Seules les prochaines élections législatives permettront de changer de majorité et de gouvernement. Dans ce but le 14 Mars est acculé à travailler dans deux directions : obtenir la loi électorale la plus représentative possible des libanais, notamment des communautés chrétiennes, qui de par leur division, 14 Mars (Forces libanaises, Kataeb, Ahrar...) et 8 Mars (Courant patriotique libre / Michel Aoun), décideront de la majorité parlementaire aux prochaines élections législatives (printemps 2013), et élaborer un programme électoral commun ambitieux, loin des slogans creux, avec des engagements concrets et réalistes. C’est la seule planche de salut.


Réf.

Pourquoi Wissam el-Hassan a été tué moins de 24h après son arrivée à l’aéroport de Beyrouth ? (Art.80) par Bakhos Baalbaki

dimanche 21 octobre 2012

Pourquoi Wissam el-Hassan a été tué moins de 24h après son arrivée à l’aéroport de Beyrouth ? (Art.80)


Je ne me lancerai pas dans des éloges littéraires et poétiques à la libanaise. Wissam el-Hassan mérite davantage. Je ne me lancerai pas non plus dans des accusations gratuites. C’est indigne d’un homme de résultats comme Wissam el-Hassan. On peut penser ce qu’on veut de ce général sunnite. Quoi qu’il en soit, c’était un homme dévoué pour son pays n’en déplaise à certains, n’en déplaise à beaucoup même. Les renseignements des Forces de sécurité intérieure ce sont les enquêtes sur tous les assassinats politiques commis au cours de la Révolution du Cèdre (de Rafic Hariri à Wissam Eid), le démantèlement régulier des réseaux d’espionnage israélien au Liban (qui a conduit à l’arrestation de Fayez Karam, un proche collaborateur de Michel Aoun) et la lutte anti-terroriste (qui a mené à la détention d’un ancien ministre du 8 Mars, Michel Samaha). 

Je comprends qu’on essaye d’être consensuel et rassembleur un jour tragique comme le 19 octobre après l'attentat à la voiture piégée contre le convoi du général Wissam el-Hassan à Achrafieh qui a fait plusieurs morts et une centaine de bléssés. Il n’empêche qu’une nouvelle fois une personnalité libanaise est morte non de vieillesse, de maladie ou de sport extrême, mais pour ce qu’elle représente : sa couleur politique, 14 Mars/Courant du Futur, et ses fonctions, directeur de la branche des renseignements des Forces de sécurité intérieure (FSI).

Avec ces tirs de joie qu’on a entendus dans certaines régions libanaises après la mort de Wissam el-Hassan, tout comme la distribution de baklawas après celle de Gebran Tuéni, on saisit bien à quel point l’ignoble ne connait ni limites ni scrupules. Oui, il faut le reconnaitre, des libanais aussi primaires que primitifs se réjouissent de la mort de leurs adversaires politiques. Notre pays restera maudit tant que tous les acteurs sur l’échiquier libanais ne pensent pas que la fin ne justifie pas tous les moyens, tant que ce peuple n’arrive pas à opposer un « non » unanime à l’ignoble et tant que la justice n'est pas rendue. Or, hélas et trois fois hélas, aucun de ces objectifs n’a été atteint dans aucun de la vingtaine d’assassinats et tentatives d’assassinat commis au Liban depuis novembre 2004 contre des personnalités du 14 Mars exclusivement.

Etant donné ses fonctions on peut bien imaginer combien Wissam el-Hassan était prudent dans ses déplacements. Officiellement, il n’était pas au Liban. Mais entre Berlin et Paris ! Personne, pas même le général Achraf Rifi, chef des FSI, n’était au courant de son arrivée la veille au Liban... par avion à l’aéroport de Beyrouth sous un faux nom. Etrange ! Encore une personnalité du 14 Mars éliminée moins de 24h seulement après son arrivée à l’aéroport de Beyrouth, comme Gebran Tuéni (assassiné le 12 décembre 2005) et comme Antoine Ghanem (lui aussi est arrivé sous un faux nom ; assassiné le 19 septembre 2007). Face à ces deux dernières coïncidences qui ne devaient rien au hasard, le gouvernement de Fouad Siniora décida le 5 mai 2008 de démettre Wafic Choucair, responsable de la sécurité de l’aéroport de Beyrouth, il était proche du parti chiite, et d’enquêter sur le réseau illégal de communication de la milice libanaise. Hassan Nasrallah considéra alors la décision du Premier ministre libanais, comme une « déclaration de guerre ». Il riposta en lançant ses hommes dans les rues de Beyrouth. Après une centaine de morts lors de combats de rues de plusieurs jours, l’Etat libanais a cédé devant la terreur de la milice chiite. Finalement, Wafic Choucair est resté à l’aéroport de Beyrouth et personne n’a plus jamais osé évoquer le réseau illégal de télécommunications du Hezbollah.

L’assassinat de Wissam el-Hassan nous fait comprendre deux choses essentielles. Tout ce weekend, une question m’a taraudé l’esprit. Comment on a pu atteindre un homme aussi prudent qu’un chef des services de renseignements ? Mettre tout sur le dos du régime syrien relève de l’amateurisme analytique habituel du 14 Mars. Alors zappons. Une évidence s’impose, ceux qui ont organisé cet assassinat sont non seulement sur le terrain, donc « libanais depuis plus de 10 ans », pour reprendre l’expression de l’état civil, mais surtout ils sont aussi puissants, si ce n’est plus, que les services de renseignements de l’Etat libanais ! C’est inquiétant en soi, mais il y a pire. Je me suis aussi demandé pourquoi Wissam el-Hassan, Antoine Ghanem et Gebran Tuéni ont été assassiné tous les trois moins de 24h après leur retour de l’étranger, sous de faux noms pour les deux premiers. En y réfléchissant j'ai pris conscience que l’aéroport de Beyrouth qui est un passage obligatoire pour partir et pour revenir, est le meilleur moyen de pister une cible ! A partir de l’instant où la cible est identifiée visuellement à son départ du Liban, qu'importe sous quelle identité, un « plan d’élimination » peut être mis en œuvre. Toute personnalité libanaise a des points de chute au Liban. Les itinéraires pour les atteindre sont étudiés méticuleusement. Plusieurs voitures piégées peuvent être préparées et mises en place sur les différents itinéraires. La suite est un jeu criminel d’enfant. A partir de l’instant où la personnalité est identifiée à son retour au Liban, le « pistage visuel » de la cible est actionné. Celle-ci n’est plus lâchée des yeux jusqu’à l’ouverture d’une « fenêtre de tir », le moment où les conditions pour son élimination sont optimales. Ce modus operandi exige l’élimination de la cible dans les 24h, faute de quoi elle risque de ne plus être localisée formellement. 

Il ne faut pas oublier non plus le pistage de la cible par les moyens  de télécommunications. Tout appel émis ou reçu permet de localiser approximativement une cible. Et comme les données de télécommunications sont complémentaires des données visuelles, cela soulève donc une autre question fondamentale : qui contrôle les données téléphoniques au Liban et surtout qui peut avoir accès à ces données et avec quelle facilité ? Enfin, il est évident qu'aucun assassinat de cette importance, d’un chef de renseignements, et de cette complexité, qui fait appel à des dizaines d'intervenants sur le terrain pour garantir l’exécution minutieuse du plan d’élimination, ne peut se faire aisément sans des intervenants libanais et sans un réseau de communication efficace pour assurer la coordination entre tous les intervenants. Quels sont les réseaux qui ont été utilisés dans le pistage de Wissam el-Hassan ? Téléphone fixe, téléphone cellulaire, réseau privée, internet, etc. Ce point soulève par ailleurs la question de la coopération du ministre de l’Intérieur, Marwan Charbel, et du ministre des Télécommunications, Nicolas Sehnaoui, avec les enquêteurs. Il faut dire que l’ensemble des données téléphoniques concernant les tentatives d’assassinat de Samir Geagea et de Boutros Harb, n’ont été remises aux services de sécurité chargés des enquêtes en question qu’après une longue bataille technique, juridique et politique.

Reste la question de fond, pourquoi on a voulu éliminer le chef des renseignements des FSI ? Diverses raisons l’expliquent sans doute. J’en vois cinq importantes :
1. Eliminer un élément gênant qui enquête sur des dossiers sensibles qui concernent le Hezbollah et la Syrie, mais aussi les réseaux d’espionnage israélien qui incluent des éléments du 8 Mars, du Hezbollah et du Courant patriotique libre. C’est aussi pour éviter d’autres « affaires Samaha », en éliminant le cerveau de l’opération policière et en dissuadant quiconque des renseignements de s’aventurer sur cette voie.
2. Se débarrasser de la tête des renseignements, pro-14 Mars, avant le changement de gouvernement à l’issue des prochaines élections législatives (printemps 2013).
3. Se débarrasser de celui qui devait en toute logique succéder à Achraf Rifi dans quelques mois.
4. Créer un climat de terreur pour museler les opinions et cadrer la marge de manœuvre des opposants la veille des élections législatives.
5. Dissuader Saad Hariri de revenir au Liban à quelques mois des élections législatives pour guider la bataille électorale.

Face aux graves conséquences de cet assassinat, le 14 Mars se trouve acculer à cinq actions immédiates, outre le vain appel à la démission du gouvernement Mikati et l’indignation du mouvement devant le soutien occidental au gouvernement libanais :
1. Exiger, et surtout obtenir, que  le remplaçant du chef des renseignements des FSI soit de la même trempe que Wissam el-Hassan, ayant le même patriotisme et surtout la même couleur politique. C’est quand on connaitra le nom du remplaçant que nous saurons si les assassins ont réussi leur opération ou pas.
2. Demander de confier l’enquête sur la mort de Wissam el-Hassan aux services de renseignements des FSI en priorité, presqu’en exclusivité.
3. Apporter un soutien sans faille au Tribunal Spécial pour le Liban (TSL). On fait presque oublier à ce peuple, que 4 membres du Hezbollah sont accusés par la plus haute juridiction internationale de l’assassinat de l’ex-Premier ministre libanais, Rafic Hariri. C’est à peine si le 14 Mars se donne la peine de rappeler au gouvernement Mikati qu’il est censé arrêter les accusés et les remettre au TSL.
4. Préparer sérieusement les prochaines élections législatives, qui quoi qu’il advienne, auront lieu tôt ou tard. Plus que jamais il ne faut pas se perdre ni dans les palabres ni dans les impulsions du moment ni dans les actions sans lendemain. Il faut être pleinement conscient que seules les élections législatives permettront au Liban de sortir de la tourmente et au 14 Mars de revenir au pouvoir. Cela exige une bonne loi électorale qui garantira la meilleure représentativité des libanais.
5. Présenter à ce peuple au plus vite un programme électoral commun, loin des slogans creux, avec des engagements concrets et réalistes, qui lui donne espoir dans un avenir meilleur.


Nota bene 

Rencontre de Walid Joumblatt avec Hassan Nasrallah
le lendemain du coup d'Etat (13 janvier 2011)
Comme à chaque élimination d’une personnalité du 14M, on se dit que les politiques du mouvement ont bien saisi la nouvelle donne cette fois-ci. Et à chaque fois, c’est la déception. Le 14M « fait assumer au Premier ministre Nagib Mikati personnellement, en raison du rôle qu’il a accepté de jouer, la responsabilité du sang du général martyr Wissam el-Hassan ». J’adore « en raison du rôle qu’il a accepté de jouer » ! Par contre, le 14M n'ose toujours pas adresser une seule critique à Walid Joumblatt, qui permet aujourd'hui au Hezbollah de mettre la main sur le pays. Je regrette que tous les politiciens du 14M n’arrivent pas, ne serait-ce qu’une fois, à oser dire à leurs électeurs et sympathisants, que seul Walid Joumblatt a permis au Hezbollah de réussir son coup d’Etat le 12 janvier 2011 (par opportunisme, les armes n’y étaient pour rien) et seul Walid Joumblatt permet au gouvernement Mikati de rester au pouvoir jusqu’aux prochaines élections législatives. Ce ménagement, une fuite en avant ou une politique de l’autruche, est tout simplement affligeant. Et au lieu d’appeler un chat un chat, le 14M trouve « qu’il s’agit d’un crime portant la signature du régime de Bachar el-Assad, de ses alliés régionaux et de ses instruments locaux. » Marwan Hamadé va beaucoup plus loin. Il pense que « la nouvelle révolution du 14M sera destructrice pour les Assad. » Il ajoute même « cette fois, nous ne commettrons pas les mêmes erreurs et nous poursuivrons notre chemin jusqu'à la chute du régime syrien. » Il faut reconnaître que cette fixation sur le régime syrien a d’énormes avantages : espérer encore l’intervention de la communauté internationale au Liban et en Syrie, permettre à Walid Joumblatt de rester en bonne entente avec le Hezbollah et surtout de fuir la réalité libanaise. Pathétique !


Réf.

Dix réflexions après les obsèques du général Wissam el-Hassan (Art.81) par Bakhos Baalbaki

dimanche 7 octobre 2012

Quelle loi électorale pour le Liban ? Le vote intra-communautaire et Abou Nouwéss ! (Art.78)


Avant d’aborder le marché et la cote des lois électorales, il serait intéressant de faire un tour d’horizon de la problématique des élections qui se déroulent au Liban. Le système politique libanais est communautaire, au niveau des présidences (République, Conseil des ministres, Parlement) mais aussi aux niveaux ministériel et législatif. Si on se limite au Parlement par exemple, la Constitution libanaise prévoit la répartition des 128 députés « à égalité entre chrétiens et musulmans, proportionnellement entre les communautés des deux parties et proportionnellement entre les régions. » On s’est accoutumés à cet arrangement confessionnel, mais il n’empêche que nous avons là un énorme problème au départ, choquant au plus haut degré et qui est à l’origine d’une grande partie de nos soucis ! Indépendamment de la démographie, cette répartition est immuable jusqu’à nouvel ordre. Nouvel ordre, il n’y aura point. Disons plutôt jusqu’à l’application complète de l’Accord de Taëf qui prévoit l’abolition du confessionnalisme au Liban. Or, comme le disait si bien le Cardinal Sfeir, il est impensable d’abolir le confessionnalisme des textes et de la pratique politique avant de l’abolir des esprits. C’est le problème des problèmes ! La preuve absolue de ce confessionnalisme néfaste des esprits réside dans les résultats électoraux. 

Dans cette quête pour trouver une loi électorale convenable, on palabre à n’en plus finir sur la nécessité que l’appartenance nationale l’emporte sur l’appartenance communautaire. Très jolie comme théorie, et comme slogan aussi, sauf qu’en pratique, on est à des années-lumière de tout cela ! D’ailleurs, l’analyse du vote au Liban est très éloquente à ce sujet. Je résume. Les chiites votent en bloc pour le tandem Hezbollah et Amal, que tout unit ou presque. Cet important report des voix n’est en rien lié aux armes du Hezbollah. Il serait naïf de prétendre que le Hezbollah tire sa force de la Syrie de Bachar el-Assad ou de ses armes. Fausse route. Le parti d’Allah tire cette force de la communauté chiite qui le soutient en masse et d’une manière inconditionnelle. Tout ce qui en dehors du tandem chiite n’a aucun poids électoral et populaire. Les druzes votent en bloc aussi pour Walid Joumblatt. Qu’importe la direction du vent, le mood du Bek et son opportunisme du moment, la communauté druze le suit sans état d’âme et sans questionnement. Les sunnites votent en bloc également pour le Courant du Futur. Mikati, Safadi, Jameaa Islamiyé, salafistes et j’en passe, ne représentent qu’une petite minorité populaire. Les chrétiens par contre votent pour deux grands camps que tout oppose ou presque, le camp du 14 Mars (Forces Libanais et Kataeb essentiellement) et le camp du 8 Mars (Courant Patriotique Libre). Qu’importe les proportions, il n’y a que deux camps. En dépit des apparences, qui peuvent laisser penser à un choix démocratique, ce vote qui conduit à cette division, est surtout clanique, une séquelle de la guerre fratricide de 1990; il n’a absolument rien de démocratique. 

Si le vote au Liban est communautaire par excellence, c’est parce que les esprits le sont profondément. Alors qu’on se trouve au cœur du réacteur à problème, étrangement tout le monde veut zapper le chapitre ! Au lieu de se donner suffisamment du temps pour en débattre, sérieusement et tranquillement, dans l’intérêt de notre pays, pendant 18 mois les yeux des politiciens libanais étaient rivaient sur la Syrie et sur rien d’autre. Les gens du vendredi (le 14 Mars, ceux qui nous annonçaient la chute d’Assad chaque vendredi) vs les gens du mardi (le 8 Mars, ceux pour qui tout sera fini mardi prochain), vous connaissez la chanson, zappons. A l’approche de l’échéance électorale du printemps prochain, les esprits s’échauffent car les politiques libanais ont fini par comprendre que Bachar el-Assad sera encore là en 2013, comme je le disais depuis 18 mois, et qu’il va falloir  tout de même penser à ces fichues élections qui pourraient être perturbées par le dernier tyran des Assad. Et qui dit élections dit loi électorale et là, c’est le souk des idées !

Alors, petites circonscriptions avec scrutin majoritaire ou la désastreuse loi de 1960 ! Ah non, vaut mieux 13 circonscriptions avec une pour parquer les « dangereux émigrés » et un scrutin proportionnel ! Foutaise, aucun salut en dehors de « one man, one vote », en deux tours et à la majorité ! Jamais de la vie, le Liban une seule circonscription et un scrutin proportionnel ! Toute cette mascarade électorale me fait penser à la Beirut Wonder Forest. Le génie qui est derrière ce projet écolo veut reboiser les toits de Beyrouth inspiré par ce qui se fait à Berlin, ignorant au passage qu’avant d’avoir 0,1 million m² de verdure sur les toits, la capitale de l’Allemagne offre 64 millions m² de verdure au sol pour les Berlinois alors que nous n’avons que 0,1 million m² disponible au sol pour les Beyrouthins !

Et pourtant il est là l’autre problème. A force de palabrer à l’ombre des gros slogans, on oublie l’essentiel. La démocratie a pour principale objectif de permettre à la population générale, dans tous ses courants et ses aspirations, félidés, canidés, poissons rouges et batraciens inclus, de se faire représenter. Or, la répartition démographique des 17 communautés au Liban et l’esprit communautaire des libanais ne permettent pas à la démocratie libanaise de s’exprimer pleinement, notamment pour les communautés chrétiennes. En dehors de quelques cazas (Jezzine, Metn, Kesrouane, Batroune, Koura, Zgharta et Bcharré), ces dernières sont éparpillées sur le territoire libanais, dominées démographiquement par les autres communautés au Nord, au Sud, à l’Est, dans une partie du Mont-Liban et à Beyrouth. Conséquence électorale : les chrétiens de ces régions ne parviennent pas à choisir démocratiquement leurs représentants sauf si ces derniers sont estampillés « agréés par les forces communautaires dominantes de ces régions », Hezbollah au Sud et à l’Est, Joumblatt dans une partie du Mont-Liban et le Courant du Futur dans le Nord, à l’Est et à Beyrouth. Ceci constitue une violation flagrante de la démocratique. Et pour illustrer mes propos, j’appelle à la barre Walid Joumblatt. En dépit de toutes les niaiseries qu’il débite à longueur d’année, et des retournements dont il est capable, le 14 Mars pas plus que le 8 Mars n’ose émettre la moindre critique à l’égard de cette girouette en raison du soi-disant poids électoral de la communauté druze dans le Chouf, Aley et Baabda, et du vote en bloc de cette communauté selon les directives du Bek ! Ainsi, les électeurs chrétiens n'ont parfois pas le choix, une partie des candidats qui doivent les représenter est imposée par d’autres communautés. L’idéal serait d’abolir le confessionnalisme des textes et des esprits et de penser en tant que libanais. Oui, sauf que ce n’est pas le cas et ça ne sera pas le cas avant longtemps. Alors qu’est-ce qu’on fait en attendant ?

Et comme si les libanais n’avaient pas assez de problèmes comme ça, nous avons deux bombes « communautaires » à retardement, notamment pour les communautés chrétiennes : l’une, on en parle tous les jours, l’autre, on préfère l’esquiver ! Il y a d’abord, la présence d’une milice armée jusqu’aux dents, à l’idéologie extrémiste religieuse, que ni la chute lointaine du régime alaouite en Syrie ni les frappes hypothétiques israéliennes en Iran n’affaiblira ! Et il s'avère que cette milice est de confession chiite. L’autre bombe à retardement se trouve dans la présence sur le sol libanais de plus de 400 000 réfugiés palestiniens, soit 12% de la population libanaise, hébergés dans des conditions misérables, avec de nombreuses milices à l’intérieur des camps, qui, et tout le monde le sait, ne pourront jamais revenir en Palestine. Et il s'avère que ces réfugiés sont en majorité de confession sunnite. Deux « bombes communautaires », qui préoccupent les libanais, notamment les communautés chrétiennes, et qui exigent une représentation plus démocratique de toutes les communautés libanaises, chrétiennes comprises, pour que ces craintes légitimes soient prises en compte.

Un autre problème auquel sont confrontées les communautés chrétiennes, c’est qu’avec ou sans choix, parfois leurs voix ne servent à rien même dans les régions où elles sont dominantes démographiquement. Ce dernier problème mérite qu’on s’y arrête un instant. Pour mieux le comprendre il faut aller du côté de Jbeil. Alors qu’ils représentent 80% des électeurs de ce caza, leurs voix ne servent pratiquement à rien puisque ce sont les 19% des électeurs chiites qui  décident toujours car ils votent en bloc, avec un esprit communautaire, pour les candidats  chrétiens ayant reçu l’approbation du parti chiite, le Hezbollah ! Il est impossible de sortir de cette équation aujourd’hui.

Maintenant qu’on a identifié la problématique électorale, toute la question est de savoir comment y remédier ? Oui on peut souhaiter une évolution des mentalités, mais celle-ci prendra du temps, beaucoup de temps. Oui il faut mettre en place ce qui pourrait un jour conduire à l’abolition du confessionnalisme au Liban. Celle-ci exige des réformes audacieuses à long terme. En attendant, il y a urgence. Nous avons des élections législatives dans quelques mois. Alors sous quelle loi électorale se feront-elles ? Il nous faudrait une loi qui soit adaptée à la situation du Liban, aux problèmes du pays du Cèdre et à la mentalité de sa population. Pour être juste, disons adaptée aux mentalités de ses 17 communautés ! Chaque proposition mise sur la table aujourd’hui, n’a qu’un but, faire gagner le camp qui la propose, à l’exception de deux projets de loi : la petite circonscription et la loi dite « orthodoxe ».

Les projets de loi pour la « petite circonscription » proposent de réduire la taille des circonscriptions. Diverses formules de découpage circulent. L’avantage de ces projets, c’est qu’ils sont incontestablement les plus démocratiques. Ils permettent une meilleure représentation de la population, la plus fidèle à la répartition communautaire, surtout avec la proportionnelle. L’inconvénient réside dans le risque important d’achat de voix, un désastre pour la démocratie. Plus la circonscription est petite, notamment avec le principe « d’un homme, une voix », et la répartition du vote sur plusieurs candidats, plus la différence entre les candidats pourrait être réduite, de quelques centaines de voix à quelques milliers selon les circonscriptions, un investissement  à la portée de tous les candidats motivés. Notons, que dans le meilleur des cas, même avec les perspectives les plus optimistes, ces projets ne permettront que d’élire 50 à 56 députés chrétiens d'une manière indépendante (sur les 64 que prévoit la Constitution). Il en manquera 8 à 14 députés à l’appel ! Enfin, notons au passage que la volonté « douteuse » du gouvernement Mikati de parquer les émigrés dans une circonscription à part, au lieu de les intégrer dans leurs lieux de naissance, est particulièrement abject.

Le projet de loi dit « orthodoxe » propose que chaque communauté vote pour ses représentants. Pour clarifier la situation, en tenant compte du fait que ce projet n’émane pas des représentants officiels de la communauté orthodoxe, mais de politiciens de cette communauté, je propose désormais qu’on désigne cette proposition par le projet de  loi pour le « vote intracommunautaire ». Il présente l’avantage de corriger le défaut démocratique dont est victime la communauté chrétienne actuellement. Son inconvénient réside dans le fait qu’il est discriminatoire et donne l’illusion d’entretenir le communautarisme. Néanmoins, il faut préciser que le communautarisme au pays du Cèdre n’a nullement besoin de cette loi pour s’épanouir! L'éternelle bataille des nominations administratives l’atteste largement. Mais le communautarisme ne se limite pas aux politiques. Il est dans les esprits de tous les citoyens libanais. On s'offusque comme si l’électeur chiite de Jbeil votera pour les candidats chrétiens du CPL si ces derniers n’étaient pas alliés avec la force dominante de la communauté chiite, le Hezbollah, ou comme si un électeur druze votera pour Georges Adouane si le Bek ne le souhaite pas, ou comme si un électeur sunnite inscrira le nom du candidat chrétien et vice versa, en totale opposition avec les forces dominantes de sa communauté ! Arrêtons là aussi de tourner autour du pot. Tant qu’il n’existe pas d’opposants sérieux, ayant un poids populaire important, aux courants communautaires dominants -bélmchabra7, des opposants sérieux au Hezbollah dans la communauté chiite (ayant un poids électoral important), des opposants sérieux au Courant du Futur dans la communauté sunnite, des opposants sérieux à Walid Joumblatt dans la communauté druze- et, tant que la diversité politique ne s’exprimera pas dans les communautés chiite, sunnite et druze, comme elle s’exprime dans la communauté chrétienne (pour des raisons claniques, mais qu’importe), cela prouvera que les esprits sont communautaires. Et tant que les esprits sont communautaires, le vote des individus se fera en bloc pour le courant communautaire dominant, et ses alliés, peu importe la loi électorale et la taille des circonscriptions. Soit on est communautaire et on l’assume, soit on entame de suite la révolution religieuse !

Ce débat oriental m’a rappelé un débat occidental, qui est toujours d’actualité à chaque élection et qui pourrait à première vue choquer les âmes sensiblement machistes. Alors qu’on lutte depuis des siècles pour l’émancipation de la femme, l’Occident se trouve aujourd’hui réduit à faire voter des lois électorales avec des quotas féminins ! Et pourquoi donc ? Parce qu’on estime, que ces siècles de lutte et tous les philosophes des Ténèbres et des Lumières, n’ont pas encore réussi à changer les mentalités des gens. On estime aussi que dans l’état actuel où se trouvent les mentalités occidentales, une femme a beaucoup moins de chance de percer en politique qu’un homme. On estime encore que la société ne peut pas compter sur le bon vouloir des hommes politiques ni sur le bon sens des citoyens ni sur la parité des systèmes électoraux. Voilà pourquoi pour les pays occidentaux, il est impératif de fixer des quotas pour les femmes. Une question temporaire, évidemment.

Qu’on le veuille ou pas, on est face à un grave problème du fonctionnement de la démocratie au Liban, le vote en bloc des communautés libanaises. Ce vote est motivé par un esprit communautaire. Il rend la démocratie libanaise archaïque et dépossède les communautés chrétiennes de leur droit de choisir librement et démocratiquement leurs représentants. Pour s’en débarrasser il faut agir dans deux directions, à court terme et à long terme.

A court terme, il faudrait corriger le défaut démocratique qui résulte de ce vote communautaire en bloc. « Petite circonscription » ou « vote intracommunautaire », qu’importe, en étudiant sérieusement les avantages et les inconvénients de chacun de ces projets. Les lois électorales changent au gré des majorités, même dans les plus grandes démocraties du monde. Elles sont taillées sur mesure pour garantir à l’équipe sortante de revenir au pouvoir. C’est malsain évidemment, mais ça n’a rien d’illégal. L’essentiel c’est d’en élaborer une qui soit adaptée à la situation sur le terrain, qui permet malgré tout à la démocratie de s’exprimer pleinement car la démocratie doit être toujours classée au-dessus de toute considération.

A long terme, il faudrait changer la mentalité libanaise. Pour y arriver, nous devons passer impérativement par la « révolution religieuse ». C’est un très grand chapitre mais cette révolution exige pour l’entamer deux lois immédiates : l’interdiction des partis politiques religieux (comme le propose et c’est un comble, un homme religieux, sayed Ali el-Amine) et le droit civil et laïque pour tous indépendamment des religions (mariage, divorce, héritage...). C’est la révolution religieuse, et seulement elle qui permettra au citoyen d’émerger dans la société libanaise, et à l’individu de prendre son indépendance de la communauté. Et c’est bien à ce moment-là, qu’il ne votera plus en bloc, solidaire de sa communauté, mais en individu, en son âme et conscience.

En attendant, il serait peut être utile de suivre les bons conseils du grand poète arabe, Abou Nouwéss : « da3 3anka lawmi fa2énna el lawma éghra2ou, wa dawini bellati kanat hiya alda2ou » (cesse de me blâmer, tes blâmes ne sont qu'incitations ; guéris-moi plutôt par ce qui a été la cause de mon mal). Je pense que le vote intracommunautaire aidera, paradoxalement, les libanais à oublier un peu leur mal, le communautarisme ! Enfin, si une telle loi est votée un jour, elle sera abolie quand ce qui l’ont fait naitre auront disparu, le vote en bloc et l'esprit communautaire, c’est-à-dire le jour où l’on verra émerger dans la société libanaise des esprits déconfessionnels, libérés et libres.


Réf.

Le « vote intracommunautaire » : qui veut dynamiter le consensus entre les partis chrétiens ? (Art.98) par Bakhos Baalbaki (9 janvier 2013)

Réponse à l'article « déplacé » de Fares Khachan: « Même Hakim peut se tromper » (Art.99) par Bakhos Baalbaki (11 janvier 2013)